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DICTIONNAIRE

RAISOXXK

DES DIFFICULTÉS

GRAMMATICALES ET LITTÉRAIRES DE LA LANGUE FRANÇAISE

COULOMMIERS. TYPOGRAPHIE PAUL BRODARC

DICTIONNAIRE

RAIS0NN1-:

DES DIFFICULTÉS

GRAMMATICALES ET LITTÉRAIRES DE LA LANGUE FRANÇAISE

.L-GII. LAVEAUX

QUATRIÈME ÉDITION

BEVUE d'après le NOUVEAV DICTIONNAIRE DE l'aCADKUIE ET LES TRAVAUX PHILOLOGIQUES LES PLUS RÉCENTS

l'Ait

CH. MARTY-LAVEAUX

Ancien élève de l'École îles Charles

OUVRAGE AUTORISE

l'AR LK CONSEIL DE l'iNSTRUCTION PL'I1L1(.iUE

PARIS

LIBRAIRIE HACHETTE ET G'"

79, BOULEVARD SAINT-GERUAIN, 79 1873

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505287

AVERTISSEMENT

SUR CETTE TROISIÈME ÉDITION,

Nous n'avons annoncé qu'une simple révision du Dictionnaire des difficultés grammati- cales et littéraires^ de J. Ch. Laveaux. Nous ne pouvions, en effet, avoir l'intention de cor- riger les ouvrages d'un pliilologue distingué, que nous serions heureux de pouvoir un jour suivre de loin.

Respectant son jugement en général, sans cependant nous en tenir toujours aux opinions qu'il a émises dans le Dictionnaire des difficultés, nous avons souvent puisé sans scrupule dans ses derniers ouvrages S soit des définitions plus claires et plus conformes à l'usage, soit des articles entiers se rapportant à notre sujet-.

Quant aux décisions que Laveaux a maintenues constamment, elles ont toutes été con- servées. Mais une note avertit le lecteur lorsqu'elles ne sont pas conformes à celles de l'A- cadémie.

Nous avons même laissé subsister cet arrêt, souvent un peu trop absolu, qu'on trouve dans un grand nombre d'articles : Ce mot n'est pas du style noble ^.

Toutefois, certaines suppressions ont été jugées nécessaires.

Dans la seconde édition de son livre, Laveaux avait ajouté de longs articles de rhétorique, ixtraits textuellement de V Encyclopédie, et qui n'avaient pas de liaison intime avec le reste de l'ouvrage; il? ont disparu de celle-ci. Retranchant également les jugements portés par Laveaux sur une foule de termes barbares recueillis par Mercier dans son dictionnaire de Néologie, nous nous sommes contenté de conserver les articles relatifs à des expressions,

1 Ces outrages sont : le Nouveau dictionnaire de la langue Française, Paris, Déterville et Lefèvre, 1820, 2 ?oI. in-4., •:l le Dictionnaire «i/nonymiiiue de la langue Française, Paris, Alexis F.ymerj, 1826, 2 vol. in-8.

■- Voyez, par exemple, l'article Genre,

3 Au lieu <îe le modifier dans chaque passage, nous nous contenterons de citer ici, comme correctif, ce morceau plein de nc- iirjlion et de justesse que nous trouTons dans un discours de M. Patin, et l'emploi légitime des termes familiers noL< parait parfaitement distingué de l'abus qu'on eu a fait :

a Cet abandon du mot propre, ce recours à la circonlocution, à l'équivalent, devaient, à la longue, énerver et appauvrir le « style, le rendre vague, froid, tendu, monotone. C'est ce qui est arrive, et ce dont on s'est senti trèî-fatigué, lorsqoeaprè» deux « siècles de fécondité littéraire a commencé l'épuisement; c'est à quoi on a tâché de remédier en rcl'chant la rigueur de-"

rèirles prohibitives.

a II y avait une aristocratie de style, fière, dédaigneuse, qui avait toujours clé s'épnrani, se resserrant, mais qui, à la Ga,

pour se recruter, fut bien obligée d'ouvrir ses rangs aux mots plébéiens, roturiers, qu'elle avait jusque-Ii repoussés. Celle « révolution se Gt peu à peu, avec gradation. D'abord on y procéda par des anoblissements partiels; ensuite ce fut une irrup- « tion, une conquête violente, une prise de possession turbulente et déréglée de la part de la démocratie des mots. A la fin du

XVIIIe siècle, quelques écrivains avaient repris les mots techniques proscrits par Bulfon. J.-J. Rousseau en avait hasardé « plusieurs ; Bernardin de Saint-Pierre les avait prodigués dans ses belles descriptions de la nature qu'ils contribuèrent à animer « par leur nouveauté. Après les mots techniques, les mots propres, ce fut le tour des mots familiers. On comprit de quel avan- « lage ils pouvaient être pour détendre le style, qui avait grand besoin d'être détendu. On les employa d'abord avec un art fort « discret. On les prenait parmi les plus voisins du haut style ; on leur choisissait une place ils n'allirassenl trop particnlière- « ment ni l'œil, ni l'oreille, ni l'effort de la voix, ni l'attention de l'esprit ; on les relevait par un entourage distingué...

« Bientôt on fît différemment et même tout autrement. On puisa dans la partie la plus bas^e de notre vocabulaire, ei « ces mots, étonnés de leur subite élévation, on les mit le plus possible en lumière ; à notre vieille pourpre usée et déchirée, « on n'eut pas honte de coudre des haillons, et l'on obtint ainsi nn effet de surprise infaillible, qui dut passer pour da plaisir c et de l'admiration auprès de tousceux que cela ne révoltait pas. » [Uélanget dt littérature ancienne et moderne, p ISS-lSO.j

If AVERTISSEMENT.

nouvelles alurs, mais qui ont [tassé dans Pusa^'e, un (ju'un patronage illustre aurait dû, poiit-f'tre, faire adopter. Enfin un f;rand nombre d'erreurs signalées par Laveaux dans le Dictionnaire de l' Académie et la Grammaire des Grammaires ayant été corrigées dans les dernières éditions de ces deux ouvrages, nous nous sommes cru obligé de supprimer des observations critiques aujourd'hui sans objet.

Ces rctranclienienls, et le choix d'une disposition typographique plus favorable, ont per- mis de réduire l'ouvrage à un seul volinne et d'y faire cependant quelques additions deve- nues indispensables. Nous avons ajouté beaucoup de citations tirées des auteurs classiques, et en particulier du texte des Pensées de Pascal, publié par M. Cousin dans son excellent rapport à l'Académie '. M. Egger, qui trouve un si noble plaisir à diriger les jeunes gens dans leurs travaux, a bien voulu nous fournir plusieurs exemples fort curieux qu'il avait recueil- lis dans ses lectures; il y a même joint quelques remarques inédites * dont il nous a per- mis de faire usage. Nous sommes heureux de trouver ici l'occasion de lui témoigner notre reconnaissance.

De fréquents emprunts ont été faits aux spirituels ouvrages de Charles Nodier et aux ex- cellentes notes dont M. Lemaire a enrichi sa nouvelle édition de la Grammaire des Gram- maires; nous avons mieux aimé les citer textuellement que d'ôter à ce travail, en l'analy- s.mt, l'autorité du nom de son auteur.

Enlin quelques améliorations matérielles ont été introduites dans celte édition. Les mots que l'Académie n'admet pas y sont précédés d'un astérisque, et, toutes les fois que cela s'est pu, le nom d'auteur, placé par Laveaux au-dessous de chaque citation, a été suivi de l'indi- cation précise de l'ouvrage, et du numéro de la page pour les prosateurs, du vers pour les poêles. Nous espérons avoir donné ainsi plus d'autorité au travail de Laveaux; car c'est en rendant facile à tous la vériûcation des exemples que le grammairien se place réellement sous la sauvegarde de tous les écrivains éminents dont il cite les ouvrages.

1 Noire traviil, dont 11 publication t\i retardée par des cirooniUncas indépendante! de notre volonté, était déjà ter- miné, loriqoe M. Fuigère a donné ion édition det fra^tntj de Pascal. 'Sont regrettons de n'avoir pn profiter de ce travail important.

* Vojei, daiu rarticU B, l«i cbttmtieiu lar !'« moet.

Ca. Mart¥ LAVEAUX.

DISCOURS PRELIMINAIRE

DE LA PREMIÈRE ÉDITION.

Il n'est peut-être aucune science sur laquelle on ait plus écrit que sur la langue française. De- puis deux siècles qu'on a commencé de cultiver cette langue, les ouvrages destinés à l'enseit;iier se sont toujours multipliés de plus en plus; et comme si les diûicullés augmentaient à mesure qu'on travaille à les éclaircir, plus on a d'écrits sur celte matière, plus on croit nécessaire d'en publier de nouveaux.

Cette opinion semble justifiée par l'embarras se trouvent souvent, au milieu de tant de se- cours divers, les gens du monde et môme les gens de lettres qui désirent parler et écrire pure- ment. Ceux même d'entre ces derniers qui ont fait une étude particulière de la grammaire, c'est-à-dire, qui ont comparé les divers systèmes, rectifié les règles par les faits, rejeté ou con- cilié les décisions qui paraissent contradictoires, sont encore fréquemment arrêtés par des doutes longs à éclaircir, par des incertitudes ils ne voient point d'issue.

La nature de cette science et l'histoire de sa marche nous révèlent les causes de ces diflicullés, et du besoin toujours renaissant d'instructions nouvelles. Une langue vivante, composée des usages actuels de la nation qui la parle, doit changer en bien ou en mal, suivant les changements favorables ou défavorables que le temps apporte nécessairement à ces usages. Ainsi, de demi- siècle en demi-siècle, et quelquefois plus tôt, il y a de nouveaux usages à faire remarquer, de nouveaux abus à signaler; de sorte que les anciens réformateurs, si recommandables à l'époque ils ont écrit, perdent successivement de leur mérite à mesure que la langue s'enrichit de nou- velles expressions et de nouveaux tours, ou qu'elle se corrompt par des écarts contre lesquels ils n'ont pas eu occasion de s'élever.

Cependant ils conservent longtemps leur autorité tout entière dans l'esprit d'un grand nom- bre, et les nouveaux observateurs ne peuvent qu'avec peine porter la lumière dans leurs doc- trines surannées. De les opinions diverses, soit en faveur des anciens, soit en faveur des modernes; de des discussions et des disputes, et par conséquent des doutes et des incertitudes qui appellent des éclaircissements et des décisions nouvelles.

Mais ce qui augmente la confusion, c'est que les contemporains ne sont pas plus d'accord entre eux. Vaugelas, Bouhours, Ménage, les écrivains de Port-Royal, furent divisés; Furelière s'éleva contre l'Académie française ; de nos jours. Desfontaines, Fréron et Geoffroi, contre les meilleurs écrivains de notre siècle ; La Harpe contre Voltaire, son maître; et Domergue contre plusieurs de ses contemporains.

Convenons cependant qu'à travers les tourbillons que ces athlètes élèvent dans leurs arènes littéraires, la vérité et le bon goût brillent assez souvent, et qu'ils triomphent à la fin de l'igno- rance et de la méchanceté. Malgré la colère de Bouhours, les illustres écrivains de Port-Royal ont enrichi notre langue d'un grand nombre d'expressions nouvelles et heureuses; Furetière a mieux fait que l'Académie française; une quantité de mots et d'expressions que Desfontaines s'était efforcé de condamner au ridicule, sont employés aujourd'hui par les écrivains les plus élégants et les plus purs; et les malheureux détracteurs du style de Voltaire n'ont fait que passer.

La marche de la science grammaticale en France n'a pas peu contribué non plus à retarder ks progrès de la langue, et à répandre dans les esprits l'incertitude et l'erreur. On passa subite- ment de la critique des langues mortes à celle de la langue nationale; et, sans remarquer que la langue française diffère essentiellement de la langue latine par sa syntaxe et ses constructions, on a fait à cette langue une application forcée de la grammaire latine. Alors on appliqua aux noms français dont la terminaison ne change point, et dont les divers rapports ne sont indiqués que par leur place ou par les prépositions dont on les accompagne, les cas qui servent à distin- guer les diverses terminaisons des noms latins, et à marquer leurs différents rapports; et la langue française fut forcée d'admettre, comme la langue latine, des cas et des déclinaisons.

Cette erreur s'est tellement enracinée, que malgré les grammairiens philosophes qui l'ont vie-

tv DISCOURS PRÉLIMINAIRE

lorieuscmont coniballuc, malgré l'Académie iiiii a decliré «lu'il n'y a point de déclinaisons dans la langue fiançaise, on trouve encore dans la plni)arl des grammaires et des dictionnaires, et mt'nie dans Vollaire, les mots de nnminatif, génitif, etc.; et dans le DiLtionnai.'e de rAcadcniie, des mois di(S (ifiUimùlft et indtclinablcs.

Ce fut une heureuse idée sans ilonle <ine rinstitiilinn d'une société littéraire chargée de don- ner à la nation une grammaire et un dictionnaire de sa langue, et de prononcer sur les difficultés qui s'élèveraient sur le langage. Mais l'Académie française, en ne remplissant qu'une partie de celte ticlie, a txialement manqué son but. Elle a composé un dictionnaire sans avoir fait une Rrammaire, c'est-à-dire établi des conséquences sans avoir reconnu de principes, élevé un édifice sans avoir pose de fondements.

Le Dictionnaire de l'Académie française, quelque imparfait qu'il fût au commencement, ne lais-a pas d'offrir quelcpie milité. Ce fut une espèce de régulateur dans un temps un très-petit nombre de personnes s'appliquaient à lelnde de la langue. Il aurait été plus utile si les grands écrivains qui lai-aionl alors partie de cet illu^-tre corps eussent daigné s'occuper de ce travail. Mais il fut abandonné en grande partie à des hommes médiocres qui n'avaient d'antre mérite que la faveur qui s'était efforcée de les tirer de l'obscurilé, et le Dictionnaire de l'Académie fut, non pas entièrement, comme on l'a dit, le dictionnaire des halles, mais en grande partie.

Dans la partie même son langage s'élève au-dessus des usages populaires, son utilité dut se borner à la classe moyenne du peuple, étrangère à la litlérature. On y prenait, par le moyen des délinilions, une idée assez juste de la signification plus ou moins générale d'un graud nombre de mots usuels, mais des e\emples ajoutés à ces définitions n'indiquaient ni les difl'é- rcntes places que ces mots peuvent occuper dans le discours, ni les nuances ou les reflets qu'ils peuvent recevoir, ou des places, ou de leur union avec certains mots, ou de leur opposition à d'autres, ou enfin des différents tours dans lesquels ils peuvent figurer.

De quelle utilité pouvaient être aux gens de lettres des substantifs froidement accolés à des adjectifs, sans occasion et sans but, dos adverbes à des verbes ou à des adjectifs, sans rapport à d'autres membres de phrase; des verbes et des prépositions à des compléments, sans application à des idées ou à des sentiments déterminés"? Ce n'était pas dans ce recueil de locutions sèches et morcelées que pouvaient trouver des lumières ceux qui s'efforçaient de suivre les traces des Cor- neille, des Racine, des Pascal, des Bossuet, des Fénclon ; la langue de ces grands écrivains n'a- vait rien de commun avec les morceaux de phrases du Dictionnaire de l'Académie.

Mais si d'un coté l'utilité du Dictionnaire de l'Académie fut très-bornée, de l'autre, ce recueil trcs-scc et très-incomplet devint un grand obstacle aux progrès de la langue. Abandonné par les académiciens hommes de lettres à ceux de leurs cotifrères qui n'avaient aucun droit réel à ce litre, ceux-ci voulurent en tirer une espèce d'existence littéraire, et, ne pouvant justifier on défendre un grand nombre de leurs bizarres décisions, ils voulurent en faire des dogmes, et mi- rent l'autorité de l'Académie à la place de la science et du bon sens. Alors ou vit s'élever une sorte de superstition grammaticile et littéraire qui fit regarder le Dictionnaire de l'Académie comme le recueil unitpie et sacré de toutes les beautés et de toutes les délicatesses de la langue, ft l'Académie comme un conseil grammatical perpétuel, contre les décrets duquel il était dé- fendu de s'élever sous peine d'anathème.

A la vérité, les membres distingués de l'Académie, tout en jiartageant le doux prestige de cette suprématie grammaticale, en secouaient impimément le joug dans la pratique; et c'est à rette hardiesse que nous devons la plupart des ouvrages immortels dont ils ont enrichi la langue. Mais les hommes faibles et timides, et c'est toujours le plus grand nombre, se courbèrent de- vant l'idole; les journalistes, qui trouvaient plus commode de s'appuyer sur un recueil de déci- dions toutes faites que de prendre la peine ou de se donner l'embarras de penser eux-mê- mes, se déclarèrent les défenseurs des nouvennx aogmes. On n'osa plus hasarder d'autres expressions que celles qui se trouvaient dans le Dictionnaire de l'Académie; tout ce qui ne s'y trouvait p:is fut déclaré barbare et malsonnanl, et la langue resta comme stationnaire deTant celle barrière magitpie.

Cette malheureuse superstition s'est conservée longtemps en France; mais le nombre des croyants a toujours été en diminuant à mesure que la raison a fait des progrès, et que les lu- mières se sont étendues sur toutes les classes. Il est bien encore quelques hommes qui en ont conservé le langage, mais c'est, ou par intérêt, ou par politique, ou par vieille habitude. La croyance n'y est plus, et le ridicule attend quiconque tenterait de la faire renaître.

Trois éditions ont suivi, dans l'espace de près de deux siècles, la première édition du Diction-

DISCOURS PRÉLIMINAIRE. ^

naire de l'Acadcmio; mais, n'offrant d'autre amélioration que la suppression de (iiieKjuos eipres- sions abandonnées, ou l'insertion de quelques mots nouvellement adoptés, elles se sont soute- nues avec d'autant plus de peine que, dans cet intervalle, plusieurs hommes de yenie on» répandu sur les sciences grammaticales des lumières qui ont mis au yrand jour les défauts du recueil académique.

En étudiant les systèmes de grammaire de Dumarsais, de Duclos, de Condillac, de Beauzée, on vit que l'Académie avait construit sur des bases fausses ou incertaines; et les explications des synonymes publiées par Girard, Beauzée, Roubaud et quelques autres, démontrèrent la fausseté de plusieurs déilnitions que le vulgaire des lecteurs avait admirées jusqu'alors dans son Diction- naire.

Les ouvrages des grammairiens célèbres dont je viens de parler conduisirent à des études mieux raisonnées. Mais, contraires les uns aux autres en plusieurs points, ils donnèrent lieu à de nouvelles dillicultés. Il fallait oublier ce qu'on avait appris ; chose que l'amour-propre dé- conseille presque toujours; il fallait cludior de nouveaux systèmes, les examiner, les comparer, les concilier, se décider pour l'un ou pour l'autre : choses auxquelles la paresse s'oppose le plus souvent. Enlin il fallait soutenir les nouvelles théories contre les partisans des anciennes mé- thodes, contre l'orgueil et les préjugés des chefs d'instruction. La marche de la réformation fut très-lente, la gothique grammaire de Restant l'emporta longtemps sur les principes raisonnes des grammairiens modernes, et aujourd'hui encore elle est préférée à toutes les autres, dans cer- taines mai.sons d'éducation les ouvrages d'instruction ne sont estimés que par tradition

Une autre circonstance paraît encore avoir relardé l'adoption de ces nouvelles doctrines. Leurs auteurs, obligés de combattre les anciennes erreurs, et souvent de discuter entre eux plusieurs points sur lesquels ils n'étaient pas d'accord, se sont vus forcés d'entremêler l'exposition de leurs systèmes de digressions polémiques qui en ont quelquefois rendu l'étude pénible, et l'ensemble difficile à saisir. C'est ce qu'on remarque souvent dans les dissertations de Beauzée, quelquefois dans les longs développements de Dumarsais, rarement dans les sages leçons de Condil- lac. Si ce dernier appuie beaucoup sur certains points, s'il multiplie les bons et les mauvais exemples, c'est toujours au profil de l'instruction positive, c'est pour fortifier l'habitude de dis- cerner le bon du mauvais, pour établir solidement le goût de l'un et le dégoût de l'autre.

Il suit de ce que nous venons de dire qu'il existe aujourd'hui plusieurs ouvrages pnipres à fa- voriser les bonnes études grammaticales; que les préjugés qui en arrêtaient les progrès st>nl disparus en grande partie, et que la critique elle-même, lorsqu'elle est sans oassion, abandonne l'autorité lorsqu'elle est contraire à la raison.

Mais il est certain aussi que ces secours, si précieux pour ceux qui veulent jpasser une partie (le leur vie à l'élude de la grammaire française, ne présentent pas des moyens d'instruction bien faciles et bien prompts à ceux qui n'ont ni le loisir ni la patience de parcourir dans tous ses détours le labyrinthe de celte science.

Il existe de bons traités sur toutes les parties de la grammaire française, mais la plupart dif- fèrent par la nomenclature des objets qu'ils traitent, par le classement de ces objets, par les règles générales qu'ils donnent; quelques-uns sont accompagnés de discussions métaphysiques; qui ne sont pas à la portée du commun des lecteurs, et il est difficile de se décider entre lef opinions qui les divisent. Si je veux m'éclaircir sur tout ce qui a rapport aux compléments des verbes, ici je trouve des accusatifs et des datifs, des rêgivies directs et indirects, chez un autre des régimes simples et des régimes composés, ou des compléments immédiats OU médiats ; ei il faut, à chaque fois, que j'étudie ce qu'on entend par ces termes techniques, et que j'en conserve dans ma mémoire et les noms et les sens, pour comprendre l'auteur que je consulte. Si je veux connaître la nature des temps, je trouve chez les uns des imparfaits^ ùdf, parfaits et des/j/i/j- q ue-par faits ; chez d'autres, ÙGS prétérits de diverses espèces; chez d'autres encore, i\cs passé». Telle grammaire me fait l'énumération de plusieurs espèces de pronoms; dans une autre, la plu- part de ces pronoms ont disparu et se trouvent rangés dans la classe des adjectifs. Ici on me dit que le verbe être est le verbe substantif, que tous les autres verbes sont des verbes adjectifs. A peine ai-je imprimé dans ma mémoire ces termes et les sens qu'on y attache, qu'un académicien m'assure que le verbe être est un attribut commun, et les autres verbes des attributs combinés; partout je vois renaître les mêmes difficultés et les mômes obstacles, et je sens que je ne puis profiter des instructions des grammairiens modernes, sans avoir étudié pendant longtemps cha- cun de leurs systèmes, et m'êlre familiarisé avec leurs nomenclatures et \eurs manières de voir.

Les dictionnaires ne me donnent point de règles et m'induisent souvent en erreur. Celui de l'Académie ne renferme pas, à beaucoup près, tous le* mots que l'usage a consacrés ; et si je n'y

TI DISCOURS PRÉLIMINAIRE.

trouve pas celui qui se préseule à mon esprit comme le plus propre à rendre ma pensée, par quel moyen pourrai-je m'assurer qu'il m'est permis de l'iniployer? Il en est de riiôme des di- versis acceptions, dont plusieurs sont aussi omises dans ce Dictionnaire. Je sais que plusieurs adjectifs peuvent se mettre avant leurs substanlils, plusieurs adverbes avant les participes des Verbes qu'ils modifient; ot loin que le Dictionnaire de l'Acadi-mie me donne quelques lumières sur le choix de ces constructions, il évite souvent au contraire de donner des exemples qui pour- raient m'instruire, et me laisse presque toujours dans le doute ou linceriilude. Si j'ai recours aux grammaires, elles me disent que l'usage seul peut me servir de guide, et lorsque j'ai besoin d'écrire au moment même, irai-je chercher l'usage? Il existe des observations oriliques faites par des hommes habiles sur le juste emploi de plui^ieurs mots et de plusieurs phrases; mais ces observations sont disséminées dans une multitude d'ouvnigos, et il n'y en a aucun qui m'indi- que où je puis trouver celles dont le besoin se présente à chaque instant, et encore moins qui m'enseigne à discerner celles qui sont justes d'avec celles qui ne le sont pas, ou à me décider dans les cas elles se contredisent. Il faut donc, si je veux être sûr d'écrire purement, ou que j'inculque dans ma mémoire toutes les règles des grammaires et toutes les bonnes observa- tions des critiques, et la vie entière n'y suffirait pas; ou que je m'entoure de tous les ouvrages qui existent sur cette matière, pour y chercher à chaque occasion de quoi régler mon style et diriger mon goût, et ce moyen n'est pas plus praticable que le premier.

C'est dans le dessein de remédier à ces inconvénients, que nous avons entrepris l'ouvrage que nous offrons aujourd'hui au public. Afin de mettre nos lecteurs à même de jouir des découvertes des nouveaux grammairiens, sans être obligés d'apprendre leurs diverses nomenclatures, nous avons réduit en un seul système tout ce que nous avons jugé utile dans les nouvelles grammaires, et nous l'avons soumis à une nomenclature uniforme. Les discussions polémiques ont été écar- tées, les explications dilluses resserrées, et plusieurs parties qui ne s'assortissaient qu'à un système particulier ont été refondues et appropriées au système commun.

Ce système, que l'ordre alphabétique semble morceler, se trouve lié par le moyen des renvois qui établissent la correspondance des articles entre eux; et le lecteur peut, à son gré, ou ne consulter que des articles isolés, si son besoin se borne là, ou suivre avec ordre toutes les par- ties, s'il veut approfondir la science.

Les règles générales et les exceptions, qui ne se présenteut ordinairement qu'une fois daus les grammaires, se reproduisent souvent ici par l'application que l'on en fait à chacun des mots qui sont soumis aux unes ou aux autres; de manière que chaque mot susceptible d'une diffi- culté rappelle ou la règle ou l'exception, et qu'on n'est pas obligé d'avoir recours à chaque instant aux articles qui les expliquent et les établissent.

Mais les règles de la grammaire, qui n'enseignent qu'à écrire correctement, n'offrent qu'un se- cours faible et souvent incertain à ceux qui veulent écrire avec élégance, et donner au discours le ton, la tournure, les couleurs et les nuances convenables, selon la nature des sujets, le carac- tère des idées et le besoin des circonstances. Souvent les règles grammaticales sont obligées de céder .aux règles ou aux inspirations du goût, et de grandes beautés brillent quelquefois dans des expressions et des tours ces règles sont, sinon évidemment violées, du moins élé- gamment éludées.

11 nous a donc paru nécessaire de joindre aux règles grammaticales proprement dites, les règles du style dans chaque genre de littérature, et de montrer par des exemples comment la perfection résulte de la combinaison des unes avec les autres, de la modification des unes par les autres.

On ne s'imaginera pas sans doute que nous ayons eu la témérité de vouloir refaire un art que tant d'écrivains célèbres ont porté à sa perfection. Le tenter eût été ridicule de notre part, et la nature de notre ouvrage ne l'aurait pas permis à des littérateurs plus habiles. 11 ne s'agit point ici de faire des règles nouvelles, d'établir des systèmes nouveaux, d'indiquer de nouvelles routes; mais de rassembler sous les yeux du lecteur, dans l'ordre le plus commode, tout ce qu'on a écrit de plus clair et de plus méthodique pour le guider dans l'art d'écrire.

Voltaire, Marmontel, le chevalier de Jaucourt, La Harpe, et surtout Condillac, nous ont fourni la plus grande partie de nos matériaux. Tantôt nous les avons insérés sans aucun changement, tantôt nous les avons combinés les uns avec les autres; quelquefois nous avons suppléé, par des articles de notre composition, ceux que nous n'avons pas trouvés ailleurs, ou qui ne nous ont pas paru suffisamment développés ou assez clairement présentés.

Une autre partie de notre ouvrage, qui paraîtra sans doute de quelque utilité, c'est le recueil des observations les plus importantes qui ont été faites sur un grand nombre de mots et de phrases. Nous nous sommes contenté de présenter sans remarques celles qui, n'ayant point trouvé

DISCOURS PRÉLIMINAIRE. TU

de coniraflîcteurs", soiu assez jjaranties par rautorité de leurs auteurs; nous avons rapporii' les objections que l'on a faites contre plusieurs autres, et nous avons ladié de concilier les opi- nions contraires, ou risqué de décider, en nous appuyant toujours sur des raisons (jue nous avons crues solides, et sur un nombre suffisant d'autorités que nous avons regardées comme pré- pondérantes.

Ainsi, l'on trouvera dans ce Dictionnaire les observations importantes applicables aux usages actuels de la langue, qui étaient auparavant dispersées dans un grand nombre d'ouvrages. Les anciennes remarques de Vaugelas, de Ménage, de Bonheurs, de Thomas Corneille, etc., qui peu- vent encore s'appliquer à ces usages, se trouvent indiquées sommairement aux articles des mots qui y ont donné lieu; et toutes celles de Voltaire, de La Harpe, de Condillac, et des autres au- teurs de nos jours, y sont rapportées fidèlement; on n'en a pas même exclu les critiques souvent hasardées de quelques grammairiens peu accrédités, tels que Féraud, Domergue, etc., lorsque ces critiques ont été mal à propos accueillies dans quelque ouvrage d'instruction publique, ou qu'elles ont donné lieu à quelque discussion importante; mais aussi on a recueilli avec éloge celles dont on a reconnu la justesse, et l'on s'est efforcé de rendre justice à tous.

Mais ce ne sont pas toutes les difficuilés de la langue française, il en est un grand nombre qui s'élèvent chaque jour dans l'esprit de ceux qui consultent le Dictionnaire de l'Académie française. Comme il y a dans cet ouvrage plusieurs expressions hors d'usage, et qu'on n'y trouve pas un grand nombre d'acceptions autorisées par les écrivains les plus distingués, et particuliè- rement par les poètes, il nous a paru nécessaire de relever ces erreurs, de suppléer ces omis- sions, et de lever par ce moyen les difficultés auxquelles elles peuvent journellement donner lieu.

On voit, par les détails dans lesquels nous venons d'entrer, que notre ouvrage n'est pas un Dictionnaire de la langue française^ mais un Dictionnaire des difficultés de la langue française: c'est-à-dire, des règles de la langue française, des applications de ces règles, d'un grand nombre de remarques et d'observations particulières qui n'ont pu être réduites en règles, et enfin des fautes de quelques ouvrages qui peuvent induire en erreur, parce qu'ils sont entre les mains de tout le monde, et qu'on a l'habitude de les consulter.

Il ne faut point chercher dans notre Dictionnaire la signification des mots, ni les différentes ac- ceptions dans lesquelles on peut les prendre. Si on les donne quelquefois, ce n'est que par occa- sion, ou pour préciser l'objet de la question, ou pour éclaircir quelque règle, ou pour relever quelque erreur, ou enfin pour constater quelque omission.

Nous aurions intitulé notre ouvrage Dictionnaire grammatical, si nous nous étions borné à y Tanger par ordre alphabétique toutes les règles de la grammaire française; nous l'avons intitulé Dictionnaire des difficultés de la langue française, parce qu'à ces règles, destinées elles-mêmes à éclaircir des difficultés, nous avons joint des questions qui, ne pouvant être immédiatement dé- cidées par des règles, offrent d'autres difficultés d'autant plus embarrassantes qu'elles ne peu- vent être éclaircies que par la discussion, ou tranchées que par des autorités imposantes et géné- ralement reconnues.

On ne trouve nulle part des règles qui enseignent quels sont les adjectifs qui peuvent ou non précéder leurs substantifs; nous indiquons à chaque adjectif s'il doit être mis avant ou après. Les exemples dont nous faisons suivre chaque décision, et les règles que nous avons exposées à l'ar- ticle ^i/ecti/, et auxquelles nous renvoyons ordinairement, aplanissent beaucoup de difficuilés, et jettent quelque lumière sur cette matière abandonnée jusqu'à présent à l'incertitude de l'usage. Il en est à peu près de même des cas l'on peut placer les adverbes entre l'auxiliaire et le participe : nous avons eu soin de les indiquer à chaque adverbe. Si nous avons fait quelque faux pas dans cette route si incertaine, nous espérons du moins qu'on nous saura gré d'y avoir porté quelques lueurs, et d'avoir fourni aux écrivains plus instruits qui viendront après nous, l'occasion de compléter un recueil d'observations si nécessaires pour l'exactitude du langage.

Parles mots difficultés littéraires, que nous avons insérés dans le titre de notre ouvrage, nous entendons seulement les difficultés littéraires relatives au langage. Le caractère de chaque genre de littérature ayant un rapport essentiel avec un caractère particulier de style, nous aurions cru laisser une lacune dans notre ouvrage en n'y donnant pas des notions au moins générales sur chacun de ces genres; mais on ne doit pas s'attendre à y trouver toutes les règles de l'éloquence, de l'histoire et de chaque genre de poëme. Il nous a paru suffisant, pour notre plan, de marquer les rapports de chaque genre avec l'art d'exprimer ses pensées.

J. Ch. laveaux.

TABLE DES ÉDITIONS A CONSULTER

POUR VÉRIFIER LES CITATIONS RENFERMÉES DANS CET OUVRAGE'

BossDET. Discours sur V Histoire Universelle. Paris, r.harpenlier, 48il, 1 vol. in -12. Oraisons Funèbres. Paris, Wcrdet et Lequien fils, J827. 1 vol. in-S".

BUFFO.t. Œuvres complètes , mises en ordre par M. le comle de Lacépéde. Paris, Evinery, 1825, 25 vol. in-8o.

Corneille (P.). Le Théâtre. Paris, Gandouin, 1747,6 vol. in-12 2.

Fé.nelon. Les Aventures de Télémaque. Paris, Duforl, an VII, 2 vol, in-12.

Fléciiiei!. Oraisons Funèbres. Paris, Werdet et Lcquien fils, 1S28. t vol. in-8''.

GinADLT-DDViviEK. Grammaire des Gram- maires, oiizijinc édition entièrement revue et forrigée par Auguste Lcmaire, professeur de rhétorique au collège Bourbon. Paris, Colelle, 1844, 2 vol. in-S".

I.\ Bruïère. Dans Les Moralistes Français. Paris, Firmin Didot frères et Lefévre, 1836, 1 vol. grand in-8°.

I Nous ne faisons Cgur-îr dans ceUe table ni la plupart des poètes, ni les prosateurs dont les ouvrages sont divisée en courts cbapitres, car on peut facilement térifîer dans tontes •s éditions les citations qui en sont tirées.

ï Lorsque le passage cité est sûiïi immédiatement d'une «biervation de Voltaire, on s'est serri de l'indicatioo doncêe

La Harpe. Lycée ou Cours de Littérature an- demie et moderne. Paris, I.efèvre, 1816, 15 vol. in-8».

La Rochefoucauld. Voyez La Bruyère.

Massillon. GXuvres. Paris, Lefévre, 1S3.3. 2 vol. grand inS°.

Pascal. Les Pensées. Paris, Aimé André, 1839, 1 vol. in-S" 3. Des Pensées de Pascal par M.V. Cousin. Paris, Ladrange,1843, 1 v. in-S".

Racine. Gîuvres arec des Coimnentaires, par M. Luneau de Boisjennain. Paris, Pougin, d796. an IV, 7 vol. in-8°*.

Rousseau (J.-B ). Gïuvfes choisies. Odes, Can- tates, Epîlres et Poésies diverses. Paris, Ja- net et Cotelle, 1823, 1 vol. in-S".

Rousseau (J.-J.). Gîuvres. Paris, Didol aine, an XI, 180J , 20 vol. i>>8".

Voltaire. Œuvres complètes. Imprimerie de la Société littéraire typographique dTSo, 1)2 vol. in-d2.

par cet écrivain, et qui renvoie à l'édition qu'il avait publiée des œuvres de Corneille.

8 Les passages extraits de cette édition sont suivis de l'in- dication des chapitres. Ceux qui sont tirés de l'ouvrage de M. Cousin ne sont suivis que de l'indication de la pa^c.

4 II faut remarq'iei' que dans cette édition, Efther ai divi- sée en 5 actes.

DICTIONNAÏKE

UAISONNÉ

DES DIFFICULTÉS GRAMMATICALES

ET LITTÉRAIRES

DE LA LANGUE FRANÇAISE.

A.

A. Subsl. m. Première lellrc de l'alpluibet, la première des voyelles. A ne prend pas de s au pluriel. Tachons d'eu découvrir la raison.

Les noms sont mis au jduriel quand ils expri- ment plusieurs individus distincts qui l'ont partie d'une cerlaine classe. Deua; hommes se dit do deux individus distincts de hi classe indiquée par le nom appellalif homme; mais lorsqu'un nom n'indique pas une classe, et qu'il est seulement le signe individuel d'un objet unique, il ne peut otre appliqué à .ilusieurs objets, ni par consé- 'luent prendre le signe du pluriel; c'est vérita- blement un nom propre. Le mot a signifie un son particulier de la voix humaine; il ne peut donc élre appliqué qu'à ce son, et par consc- quent il repousse tout signe qui indique un plu- riel.

A la vérité, a considéré comme caractère ou comme son, peut avoir plusieurs formes, plu- sieurs accessoires relatifs a sa ligure ou à sa pro- nonciation ; mais il n'en est pas moins le signe d'un objet individuel; et, quoiqu'il puisse être accompagné de certains mois qui indiiiuent le pluriel, celte idée de pluralité tombe ou sur la répétition du signe, ou sur la difrérence de ses formes écrites ou i)rononcées, mais non sur la signilicalion réelle du mot, qui ne peut être ap- pliquée qu'au son de voix qu'U indique. (Juand on dit deux a, trois a, c'est comme si l'on disait le caraclére a répété deux fois, trois fois. On fait de petits a, de grands a ; il y a des a longs et des a brefs, c'est-à-dire, (ju'on donne au signe « des formes plus ou moins grandes, et au son (|u'il représenle une prononciation longue ou brève; nais, dans toutes ces phrases, il n'est point ques- (ion de plusieurs sons de la voix humaine : c'est toujours le même signe ex|)rimant un son indi- viduel, et voilà pourquoi il ne prend pas la mar- que caractéristique du pluriel. Au contraire, quand on dit devx homines, trois hommes, le nom homme prend la forme du pluriel, parce qu'il in- dique deux, trois individus distincts faisant par- tie de la classe qu'il e.xprimo. Deux a, c'est deux

fois le mémesigno; deux hommes, c'e>l un homme et un autre homme. C'est parcelle raison qu'au- cune lettre de l'alphabet ne prend le signe du pluriel.

11 en est de mémo dos noms des chiffres, ipii sont chacun un signe déterminé de lel ou tel nom- bre : on écrit sans s, deux vn, trois quatre, cinq neuf, six zéro, etc. ; des signes (pie l'on emploie dans la musique pour signifier chaipie U>\\ : deux ut, trois , quatre si, elc. ; des mulsi|ui n'ex- priment ([u'un rapport particulier on une vue particulière de l'esiM'it : des si, des quand, des mais, des pourquoi, des comment. Il rj a trois que dans cette phrase; ces deux qui font un mauvais effet. Il ne s'agit dans toutes ces plira^es •pie de la ié|)élilion des inémes signes, et non de plusieurs individus distincts. \'oye/. Nombre.

A ne Si- prononce point dans Saonc, aoriste, taon, août, antUeron: oii prononce comme si l'on écrivait Sône, oriste, ton, oui, oûleron ; mais a se fait entendre dans uoûter.

Dans celte façon de iiarlcr, il y a, a est verbe. C'est une de ces exiiressions figurées ijui se sont introduites par imitation, jiar abus ou [lar cala- chrése. On a dit au propre, Pierre a de /'argent, il a de l'esprit ; et |)ar iniitalion on a dit, *'/ y a de l'ai'gent dans la bourse, il y a de l'esprit dans ces vers. Il est alors un ternie abstrait cl gén»'- rai, comme ce, on. Ce sont des termes méla|)li)- siijues formés à l'imilalion des mots (jui marquent des olijets réels. L'y vient de l'iiides Latins, ci a la même signification II. y, c'est-.i-dire là, ici dans le pomT dont il s'agit. Il y a des hommes qui, elc. //, c'est-à-dire", Iclre mélaphysi(iùc, l'être imagine ou d'imitation, a, dans le poiiii dont il s'agit, des hommes qui, etc. C'est ausîi jiar imitation qu'on dit, la raison a des bornes, notre langue n'a point de cas, la logique a qua- tre partiti, etc. (Uuinarsais.)

J est la troisième pei-somie du sinculier «In présent de l'indicatif du verbe arair. C est s;ins doute un défaut, dit Yullaire, qu'un verbe ne soit qu'une seule Icllic, et qu'on exprime il a rai-

son, il a de l'esprit, comme on exprime il est à Paris, il cv/ (i L<;iin. Il a ru ('li(i<|ii(>r.'iil lioiii- blciiicni ruivillc si l'on n'y clail |);is ihcouUiiik^. Plnsiciir.-. onivjiius scscrvonl île cctlc [iliriisc, la diff !■ ic lire qu'il y a, la distance qu'il y a entre 0KX,- osi-ii rien lie |iliis hiiiuMiissMiit à l;i l'ois el de plus riiile? n'esiil |»;is iiisé tl éviter celle ini- pf^rfeclioii du l.uKvigi! en ilisaiu siin|iloiiienl, la distance, la di//'i reiice entre eux 9 A ipioi i)on ce qu'il Cl ci'l 1/(1 i|ui rcMiJiMil le discours si'C el dirfii>. i:[ i|ni rrunissciil iiiiisi les |ilus çrands dé- fiiuls? .Ne r;iul-il pus surtout éviter le concours de deux a? il ai à J'uris, il a /Antoine en aver- sion. Triiis et ipi;ilre a de suite sont insuppor- tables ; il va à /■iniieiis,el de à Arques. I.;i poé- sie française [iroscril ce licuilcmenl de voyelles :

Gardei qu'une »oycllc, à courir lro|i liilce, Ne soil d'uuc voyullti en son chemin licurlée. (BoiL., A. /'., I, 107.) [Iticl. philoêophique.)

Voltaire a voulu substituer la lellre a à la let- tre 0 dans françois, française et dans les lernps des verbes que Ion éci'il avec ni: français, je di- sais, etc. Diiuiarsais a très-bien prouve «pie celle innovation est un aims contraire aux principes. (.0[\enilant, iiial^'ré les efforts de plusieurs i:ens de lettres, et ceux île l'Académie, qui n'avait |)oini adopte celle nouvelle orthographie, elle a leiie- mcni prévalu, ipi'on peut la regarder comme adaptée giMn-ralement par l'usai-'c. F.nlin, l'Aca- déinie vicnidedecidcripi elle l'emploierait dans le nouveau Dictioiuiairc ainpiel elle travaille. Nous avons cru devoir suivre Son exemple, en écrivant français au lieu de français, j'allais im lieu de j'allais. Par on ne l'ail que substituer un nou- vel alius à l'ancien ; car ai ne représente pas plus le son es ipie l'on fait sentir dans français, que ne le rcprésenlait ni. Aoyez l'article Ôi. Voyez aussi à ce tnjei les nombreuses objections que M l.cmaire s'est efforcé de réfuter [Gravunaire des Grammaires, p. 'J3li et suiv.), el qtielques- unes des spirituelles dissertations de (lli. Nodier, qui n'a jamais adopté l'orlhoçraphe de Voltaire. [Aii'Ianyes de lillcrature et de critique, tom. I, p. 472 et l'/D. Examen critique des Dict., ar- ticle Oi.)

A. Indique affirmation en lotriqnc

En léle d'un morceau de musique, il désigne la partie de la liauic-conlrc, alto.

Il esi suUNCMl lexprcssion abrégée du mot al- tes.^c .

Dans l'usage du commerce a csl \)Our aocepté, a. c. pour nnni'C courante ; a. p. pour ann*;e pas- sée ou pour a protester.

Dans nos espèces d'or et d'argenl celte lettre est la marque de la monnaie de Paris, el AA celle de la monnaie de Melz.

A. P. I). H, sir les anciennes gravures, signi- lie : ari-c pririli ge du rai.

A, préposition doni l'usage primitif est démar- quer un iappor;a un terme. Aller à Pari^, être à Pari.^. Toiiies les fois que cette prepoMtion n'esl pas jinse dans le sens pro|ire de sa ilesiinalion, elle y a toujours un ra|iiiiirl pinson moins éloi- gné. Un (lira clianter est un air que le com|>o- sileur a di'sliné à étriî chaulé; vue chaise a par- leurs e.s' 'l'O chaise que Ion a dcslinée à élrc portée; »/« pat à l'eau est un pot que l'on a des- tiné a contenir de l'eau; vne jnai.san à rendre est une inaiNon que l'on a destinée à être vendue. Dans toiiles ces phia-cs il y a but, destination, lermc. L'Envie à l'œil timide et louche, c'est

I i'Fnvic que l'on reconnail à son <fil timide et I loiu'lie. D:ms arrncher des herlies brin ii brin, j chaque brin d'herbe devient à son tour le terme ; d'unj action ; on va d'un brin à l'aiilre i)our I arracher ce dernier. Dans donner quelque chose \ à quelqu'un, ùter quelque clwse à quelqu'un, à 1 annonce le terme des verbes donner et 6ter, el quelqu'un conijiléle l'idée de ces lerincs; car I c'est a quelqu'un que viemicnt aboulir l'aci'on de iloniier et l'action d'oler.

Ouaiid je dis,ye rous remets à deu.T mois fiour mus pni/er, je ne veux pas dire que/c mus paie- rai api es deux mois, mais c'est un lerme que j'assiL'iie |toiir le paiiMiient. (Jnand je dis que/a vinnifo morceau à morceau, cela ne signifie pas i\Wt Je inungc un morceau a(ir(Si/;j autre; inais, qu'après avoir man.'è un inoriT-au, un antre mor- ceau devienl le lerine ou teinl radion de manger. l'raraillcr à l'aiguille ne signifie pas travailler arec l'aiguille ; mais*/ indique l'aiguille comme le terme du choix qu'on a l'ail de cet insir;imcnt préféra! dément a lout autre, y ivre à Paris ne si- gitilie i)as vivre dans Paris; mais à l'ail considé- icr Paris comme un |>oiiil ou ton s'est lixé pour y vivre. C'est lorsque le lieu n est pas considéré comme un [loint, mais comme un e-pace, que l'on dit en ou dans : f^ivrc en France, vivre dans la France , vivre en pna-ince ^irrc dans Paris ne signifie tlonc pas exactement la même chose que vivre à Paris.

On ne peut pas dire comme le Dictionnaire de 1 Académie, qu'w sert a marquer le temps, le lieu, etc. (Juaiid je dis je dine à. .., il e.^i im];0Ssiblô que l'on devine si celle préposition a rapjiorl au tempsou au lieu. Mile aurait ra|)porl au temps si je disaisyc dîne à quatre heures ; Mo aurait rapix)rt au lieu si je disais dine au faulmurg Saint- Honoré. A ne inar(iue donc dans ces phrases ni le lemps ni le lieu ; il sei"l à annoncer un rap- port vague de ternies dont I idée csl complétée par le mot ou les mots qui suivent.

Il serait ridicule de dire avec l'abbé Girard, qu'« indique la spécifcatinn par vingt-cinq diffé- rents vioyens. Par la l'orme de la siriicliire, lit à adonnes, table à pieds de biche; [)ar la qualité, 7nol à double sens; p;'.r la cause mouvanie, arme à feu, etc., etc. Il est aisé de remarquer que, dans ces phrases, à ne marque ni forme de slruc- Inie, ni ipialité, ni cause mouvante, etc.; mais (jn'il amioiice seiilcmenl un rap|Mirl don! les mots qui suivent complètent l'idée, ijuand j'ai dit lit «...., je |)eux aussi bien ajouter rendie que co- lonnes; à n'indique donc [laspliis l'action de ven- dre que !a forme de la structure.

D'autres grammairiens font de la préposition à une préposition collocativc, ordinale , unilice, terminale, clc; Cl tout cela avec aussi jm-'U dérai- son.

I.a préposition « devienl un mol composé, par sa jonction avec l'article /c ou avec l'ariiclf.' pluriel les. l.'arliclc le, à cause du son sourd de l'e muet, a amené au; de sorte ipiau inu dédire à le, nous disons «(/, SI le no.n ne commence pas |)ar une voyelle: s'adunner au bien; el au [du- ricl, au lieu de dire « les, nous disons au.r, suit (|iie le nom commence par une voyelle ou par une consonne : aux hommes, au.r f'inmcs, clc. .Ainsi au C5l auluiU que à le, cl aux autant que à les.

l'I faut répéter la piéposilion à devant chacun de ses com|ilémeiils. ISe dites donc pas il aime à lire et écrire, m;iis, il aime à lire et o écrirai, rsiuiilez pas en cela .J.-.l. Rousseau, qui sou&-

anlendail ordimircmont celle pri^posilion. Il ne fani p;is coiuMure ili- l;i ijnc l'im iloivcMlirc, parmi tous les romans île l'aitliquili', je donne la pré- fèreiirc à 7'lirappiie et â C/iaricli'e ; [nircc <1UC les deux iin'ls Ti.ttipèiic et t Imrwl^e élant le titre d'un iiiivi;i^(*, soiii rc^;irdrs (•iiiimie (iiie ex- pression imii|iii; «lui furiiie le coiniilciiR'ul de la préposition à. On a beaucoup rcproclié à Boilcau ce vers :

Cest à TOUS, mon esprit, A qui je tcmix parler. 'SaLlX, 1.)

Boileati a donné ici deux termes an xcrhc par- ler : à vous cl a qui. il fanl dn-e, c'est à vous, mon esprit, i/uej'e rei/.r pai/er.

Domer-'ne, makié l'anloriié do l'Académie cl un usage liicn éiaïili, ne vrui pns iiue l'un dise, if y arait sept à lniil femmes Javs rot le as-^er/i- bléc. On dit avec raison, ajoute cet académicien, de sept à huit hevres, alhint d" sept à huit heu- res, parve <|uo liiiil licurcscst leleiiiie<iù aticiutit l'action d'allci-; il y ;i un es[»;ii-e à |iai(uuiir . il y a des fractions d'Iiciif-s. Mais on ne coik-oIi pas des fractions de fouîmes; il faut opter entre sept cl Iniit, et dire sept on Itvit femmes.

II y a une grande tlifrcrencc entre ces doux ex- pressions, ^""ùru cAe^ mus de sept à Inrl heures, et ily avait sept à huit femmes dans cette assem- blée. La prcniiére iiuliipie un ifiiips divisdili'piiire sept heures cl huit heures; la sci-ondc indiipie un nomlire approximatif moniani à sept, ou tout au plus à huit pcrsoimcs. A la vérité, il n'y a point de fractions entre sept et huit femmes; mais il ne s'agit pas irj d'un nombre entre si'|il et huit, mais d'une estimaliou de sept a huit femmes. Celui qui dit, il y arail dans cette assemhh'e sept à huit femmes, n'est pas certain qu'il y avait sept femmes; mais il assure cpie le nomlire ipii s'y trouvait montait peul-èirca sept, ou tout au plus à huit. Le noml.re huit est le seul CLfIain et déterminé; au lies (|ue, dans/'t? ai vous voir de sept à huit heures, lcs<lcux époques sont dcK.T- minécs,cl admettent un inlervalle. // y avait dans cette assemiihe rept on huit femmes, n'ex[irimc pas si precJM'ironi rcsiimation faite du nombre, ei ie terme le plus élevé porté à huit. Cette façon de parler n'afiirine rien , c'est comme si l'on di- sait : peut-è.rc y en avait-il sept, peu t-êiro y en avail-^l huit, voila mon estimaiUm, je n'assure pas plus l'un que l'autre. Si l'on veut liicn ré- fléchir sur ces deux phrasct, on conviendra (pie ce sont la les mianccs «pii les distinguent, et ipie par conséquent on jieut enqiloycr l'une ou l'autre, suivant les vues de l'esiirlt.

Dans l'édiiion de IS.'IS, l'Académie donne une décision favorable à Domcrçue. ^■oici le passage :

K A, fdacé entre; doux nombres, en laisse sûji- poscr un (pii est intermédiaire, yinrjl à trente personnes, quinze d vingt francs, mille à douze cents francs.

K II se place aussi entre deux nombres con- sécutifs, lorsqu'ils se rap|Nirlcnt à des choses (pii peuvent se diviser par Iraclions, deux à tnns Unes de sucre, cinq à sis lieues. On dit cinq ou si.v personnes , onze ou douze clieraux, Cl<'., j et non, cinq à six personnes, onze a douze elie~ vaux, etc. »

Il y a des prépositions qui veulent cire sui- ! vies de la prep<j-inon à. Telles soûl par rapport, i quant, altemint, et qiieliiucfois sauf, QKju.tque. | Par rapport à lui, quant d eux, attenant au | palais, sauf à eux à se nourroir ; mais ou dit j

ABA 3

aussi sauf leur recours, cl jusque-là, jusque sur le trône.

Pliilol que jusquf-là j'.ikaissc mon orgueil, etc. (Volt., Zaïre, acl. I, se. I, 67.)

Le son de l'a est jiliis éclatant (pie celui de toutes les autres voytîllcs. et la v.ix j mur com- plaire à l'oreille, dil'Marmontel. le clioi:>it nalu- rcll(;mcnl : la preuve en est dans les accents in- dclibénis d'une voix (pii prélude, dans les cris de surpiise, de douleur et de joie. H ne faut jias conclure de la i|ue ce mol fasse un bon effet dans une phrase, lorsi|u'il y revieni joiivcnt Cette répr'tilion est surtout iiisu|i|>orlal)le loivpi'il s'y présente sous des acceptions dilïereiUes, coininf dans celle phrase de La Harpe : « C'est raison- ner étrangement que de dire à un homme qu' ;j'a .sa célébrité, qu'a sa mcclidnceté ; et de l'in viter à reroncer â la seule chose qui Ca rendu célèbre. »

A ou Ad. Particule préi)ositive empruntée de la pié|)Osition latine ud, ipii se met au commen- cciiicnt de certains mots, et (pii seii a iiiari]iicr, comme la |ireposiiio"i u, la Icnd.uice vers un but pliysiipie ou moral. On se sert de a dans les mots (jue nous conqiusoiis nous-m(''mcs a l'imitation de ceux du laini , et même dans (pielques-uiis de ceux (juc nous en avons ein|iruiiles. J,fuerrir, rendre propre à la guerre; aun liorer, faire ten- dre à un ctal mciileiir; anéantir, reiliiire a néant; avocat, (juc î'oii écrivait aiicicimemenl udvocat, apjieié iioiir i)l;iidcr une cause. On se sert de quand le mol simple commence par une voyelle, par un h muet, et (pielquefois ipiaiid il commence par j ou par v. Adopter [apinre ud) , adhé- rer [Itœiere ad), admettre, meitrc (lans;aci- Jidnl {junctu^ ad), adverbe [ad verbum junc- lus), etc.

Dans quelques cas, le rf de f/f/ se transforme en In consunne (pii commence le mot sim|)l(! si c'est un c ou un q, comme accumuler, acquérir ; un f, comme affamer; un g, aniwue or/q/omérer ; uni, comme allaiter; un n, comme annexer; un p. Comme applanir, appauvrir, apposition ; un r. Connue arranger, arrondir; un 4, coininc avA-ati- lir, assidu , assortir; uu /, coiniiic attribut, at- ténuer, etc.

Ab ou Acs. Particule |)réposilivc empruntée du latin, qui se met au couimencemeia d'un mot poiirmaiMpicr |iruicipaleuienl laseir.n-alion.cuininc <.\.\n?, abhorre I , uhju ration, ablution, ubmgution, aborlif, abrogé, absolution, a'iAtmence, abstrait, abusif, etc.

Adaissk. Subsl. f. Ce n'est jias, comme ledit l'Académie, une paie (jui lait la croiile di; dessous dans plusieurs jiièces de pâtisserie, c'est un mor- ceau de pàieipii a été abaissé, c'cst-a-diie dont on a diminue la hauteur en le iiass;iiii sous le rouleau, jiisipru ce ipi'il soit ilc\fnu mince. Une abaisse est une pièce de iiàie mince (jue l'on cn)|>loie de diverses manières.

ABiissiiMEM.Subst. m. Ce mol s'einploie-t-i!au pluriel? L'Académie ne l'imUipie [xniil. lionbaud l'a employé ainsi au ligure : l'orguei/ est «n des vices le plus jaloux de se venger di^s abaisse- ments qu'il éprouve. Kn eflél, un homme peut éprouver plusieurs abaissements , celui de sa fortune, de son crédit, de>a n-puiaiion.eic, ; mais r('tat qui résulte i\ctvs divers (il>ai.\.seuienls est un; et on ne peut pas dire, tJ est dans les ubais- semenls. L'élévation ou /'abaissenuMit des Etals dépend du courage d'esprit de ceux qui les çov~ vernent.

4 ABA

Ce mot s'emploie dans le style noble.

Ce triste abaisiement convient à ma fortune.

(lUc, Iphig., acl. III, se. V, 31.

Abaisser. V. a. de la 1" conj. 11 nous semble que l'iibbé Giî"drd n'a pas indi<iué avec assez il exiiclitude et de tiai-lc la difrcrence entre les verbes abaisser et baisser. Abaisser a toujoiii's rapporta un point i-levo, baisser, à un point bas. On abaisse une cliuse pour (lu'ollc uc soit pas si haute; on la baisse [)our (piclle soit basse. Si un mur m'empoche, |)ar sa hauteur, d'avoir la vue sur la campagne, je le fais abaisser; si je veux pouvoir m'yppuyer dessus, et ipi'il ne soit pas as^e/. bas pour cela, je le lais 6aii\ser jusqu'à hauteur d'appui. Si une femme, développant en- tièrement son voile, le fait descendre aussi bas qu'il peut s'étendre, elle le baisse, parce (lu'ellc veut qu'il soit bas , pour cacher ce (ju'elle ne veut pas laisser voir. S'il était fixe sur le haut de sa tète , el qu'elle voulût le fixer sur son front, elle \' abaisserait, i)arce ipi'ellc voudrait le placer moins haut. On baisse le dessus d'une cassette qui est entièrement levé, afin qu'étant bas, il couvre l'ouverture qu'il doit couvrir. On abaisse le dessus d'une cassette, lorsque n'étant baissé qu'en partie, il est trop haut pour remplir sa des- tination. C'est dans le mctnc sens tju'on baisse î>u qu'on abaisse un pont-levis, la visière d'un masque, etc. On baisse la tèie, les bras, les yeux, itjs paupières, lorsqu'on les dirige en bas; mais Jans le langage îles arts, on abaisse la tête, les bras, aCs yeux, lcs[)aupicresd'unefiguie, lorsqu'on veut iCS placer dans une position "moins élevée, soil pour se conformer aux règles générales de l'art, soit potir mieux exprimer la passion que l'on a en vue. Baisser ses regards sur un objet, c'est les diriger en bas, pour regarder cet objet. Abais- ser ses regards sur un objet , suppose une éléva- tion de laquelle on descend el portant ses regards sur un objet très-infcrieur, et comme indigne de nous. Quels churmes, en effet, la nature ne ré- pand-elle pas sur les travaux du philosophe , qui, persuadé qu'elle ne fait rien en vain, par- vient à surprendre le secret de ses opérations, trouve partout l'empreinte de sa grandeur, et n'imite pas ces esprits puérilement superbes, qui n osent abaisser leurs regards sur un insecte! (Barlhcl., Anacharsis, ch. Lxiv, loin. V, p 247.) S'abaisskr. V. pronom. Ce verbe s'emploie quel- quefois absolument. Il signifie alors témoigner que l'on se croit au-dessous des autres, ou qu'on ne veut point se prévaloir du mérite , de la gloire, de la réputation , des bonnes qualités que l'on peut avoir. L'homme 7/iotfe*<e s'abaisse. Les plus fiers Sont quelquefois forcés de s'abaisser, quand la fortune les abandonne. L'homme sage et simple ne s'abaisse puint, ni ne se soucie d'abaisser les autres. (Girard.) S'abaisser à, signifie, selon l'Académie, s'avilir, se dégrader. Mais il signifie aussi, se proportionner aux per- sonnes qui nous sont inférieures par la condition, l'esprit, les lumières, les talents, en nous mettant à leur portée. On n'est jamais bon maître, si l'on ne sait pas s'abaisser jusqu'au niveau de son élevé.

* Abalouuuir. V. a. delà 2-= conj. L'Académie ne met iwint ce mol, que l'on ciiq)loiedans le dis- cours fanulier, pour signifier rendre slupide à force de mauvais traitements, el qui est surtout usité au participe i)assé. rous avez abalourdi cet enfant. Mais elle met abasourdir, (jui a un

ABA

autre Sens. Abalourdir signifie rendre lourd, Slupide, el suppose une répiMition de cause et un effet permanent ; abasourdir veut dire étourdir, troubler, consterner, et suppose une cause subite, inattendue , et un effet passager. On est aba- lourdi par une suite de mauvais traitements, el on reste abalourdi. On est abasourdi par mie nouvelle aflligeante el inattendue, et on revient de l'abattement qu'elle a causé.

\nAND0N. bubst. m. On confond souvent lu Palais abandon ct abandonnemcnt. On dit indif- féivminenl (ju'un failli a fait V abandon ne ment ou l'abandon de ses biens à ses créanciers.

h' abandonnemcnt est un acte par lequel on cède ou transporte à un autre la jn-opriété (]u'on a d'une chose, ou simplement le droit qu'on peut y avoir. Vabandfm n'est point un acte; c'est un simple état, une simple situation d'une chose délaissée. Un débiteur fait un abandonnemcnt el non un abandon de ses biens à ses créanciers. On dira , en parlant d'un homme aui|uel personne ne ](reiid intérêt, qu'i/ est dans l'abandon; et des biens dont on ne prend aucun soin, qu'i.'* sont ù l'abandon.

On dit de \' abandonnemcnt , qu'il est volon- taire, foroé, juste, entier, sans réserve, etc. On dit de {'abandon, qu'il est triste, cruel, etc.

On dit et on écrit : Vabandon d'une amante, Vabandon d'une actrice, Vabandon du style, pour exprimer cet état une amante, une actrice, un écrivain se laisse aller au sentiment ijui l'en- Iralne.

\ ollaire a dil : Il y aurait un lâche abandon de moi-même à souffrir qu'on me déshonore. S'il eiil consulté l'Académie , il auiait ajipris qu aba ndon ne se dit que de l'étal d'une per- sonne ou d'une chose abandonnée, et «lu'il ne se dit point pour l'aclion d'abandonner, lleureuse- mciil , il ne s'en est pas rap|)orlé à celte déci- sion ; il nous a donné l'exemple d'une acception nouvelle.

Abandon.ner. y. a. de la 1^^ conj. L'Acadé- mie n'a pas donné la signification primitive de ce mol. Il vient du substantif allemand 6a«ii, ([ui signifie lien, et de ia préposition latine « ou ab, qui signifie dégagement, libération. Abandonner signifie littéralement dégager de liens, (ictte si- gnification primitive se reinaniue dans l'expres- sion , abandonner un clicval, qui se dit en Icrmes de manège, pour signifier ne plus retenir un che- val par la bride ou par les rênes, afin de le laisser libre d'aller à son gré; et dans la phrase de fau- connerie , abandonner un oiseau, qui signifie le laisser libre en campagne, sans attache cl sans lien. On dit en ce sens au ligure : abandonner sou cœur au désespoir, abandonner son âme ù lu vengeance. J'avais abandonné mes sens à la dou- ceur du sommeil. (Barlh., Anacharsis.) Aban- donner signifie aussi cesser de fréquenter ce (lu'on fréquentait auparavant. Depuis quelque temps, on a abandonné ce spectacle. L'on se range en haie, ou l'on se place aux fenêtres , pour obser- ver les traits et la contenance d'un homme qui est condamné et qui va mourir : vaine , maligne, inhumaitie curiosité! Si les hommes étaient sa- ges, la place publique serait abandonaée, et il serait établi qu'il y aurait de l'ignominie seule- ment ù voir de tels spectacles. (La Bruyère, de la Cour, p. 295.)

Abasoukdir. \oyez Abalourdir.

.\bat-jouh. Subst. m. Ce substantif com|Hjsé ne doit point prendre le signe du pluriel, il est composé du verbe aia/, qui n'est pas susceptible

ABE

de prendre le pluriel à la mnnièrc des substantirs, cl du mol jour, (\m ne peul le prendre d;ins le sens il esl employé ici; car il s'a^'il d'une chose ijui nl>al le jour el non les j'otirs. 11 faut donc dire des abat-jour, Cl non [)as \.\çi,ahat-j'ours. A'oyez Composé.

AnATTEMENT. Subsl. ui. Fcraud voudrait que l'on écrivil ahalemciU avec un seul l; cl il rcproclie à i'Aca<l.'niic d'avoir ccril ainsi aha- tis, et d'avoir conserve uhattcmcnt. Celle ob- servation ne nous |)araU pas juste. Tout homme qui a l'oreille délicate sent que dans abatic- meiil , on appuie plus sur ba que dans aba- tis ; ce qui vient de ce (pic la syllabe suivante est une syllabe féminine sur laipicUe il faut passer légèrement, passage qui exige à la syl- labe précédente une prononcialion plus mar- quée.— D'après ce principe, il faudrait peut- être ne mettre tpi'un t aux mots de cette classe , la syllabe qui suit ba est masculine , cl en aietlre deux à ceux qui finissent par une syllabe icmmlne : Abattre , abattement; noxis abatons , j'ai abalii, abateur, abattie, abature. Cette ortho- graphe indiquerait les nuances de la prononcia- lion.

Abatteur. Subst. m. 11 régit la préposition de, un grand abatteur de bois. Un grand abatteur de quilles. 11 n'a point de féminin.

Abattre. V. a. et irrég. de la 4" conj. Il se conjuguecomme battre. Voyez ce mot.

Abattu, ce. Part, passé du v. abattre. Comme participe, il se met absolument, ou régit la pré- position ^jar. Tttèînaque, qui était abattu et in- consolable, oublie sa douleur. {¥cnei.f Téléma- que, liv. XYll, loin. 11, p.d7A.) Il était abattu par une douleur que rien ne pouvait consoler. (Idem, liv. XVl, tom. Il, p. 161.) Il s'emploie aussi adjectivement ; on dit, un arbre abattu, un cheval abattu, des espérances abattues.

Abat-vent, Abat-voix. Substantifs masculins. Ils ne changent point au pluriel. "Soyez Composé.

Abb. Pans les mots qui commencent par celte syllabe, on n'a jamais prononcé qu'un b ; aujour- d'hui même on n'en écrit plus qu'im, excepté dansaèieel dans ses dérivés. Autrefois on écri- vait abbécher, abboyer, abbréger, abbretiver, etc. (Feraud.) On ne voit pas trop pourquoi on a e.vcepté les mots abbé, abbesse, abbaye, le se- cond b ne fait rien à la prononcialion. Le seul qu'on aurait excepter, ce me semble, c'est le mot abbatial, l'on fait un peu sentir les deux b ; car on ne prononce pas abatial, comme le dit Féraud. Cette différence de prononciation vient peut-être de ce que les syllabes aèa ont trop de rapport avec les mots abattre, abattement, etc., et que la prononcialion faible des deux 6 indique un mot d'un autre ordre. Il esl dans le génie de la langue française de prévenir les équivoques le |)lus qu'il esl possible.

Abbatial, Abbatiale. Adj. qui ne se met qu'a- prés son subst. On l'ail un peu sentir les deux b. Il fait au plur. masc. abbatiaux.

Abbaîe. Subst. f. On prononce abéie, en ne faisant sentir (pi'un b.

Abbé, abbesse. On ne fait sentir qu'uni.

Abdomen. Subst. m. On fait sentir le n comme àdx\?>amen.

Abdominal, abdominale. Adj. qui suit toujours son subst. 11 fait au ])lur. masc. abdominaux. Les jnuscles abdominaux.

Abécédaire. Adj. des deux genres. 11 se dit des ouvrages qui traitent des lettres par rapport a la lecture. Livre abécédaire, ouvrage abécédaire.

ABO 5

Il se dit aussi des personnes (|ui ne sont encore (pi'a l'a b c d'une science, ou qui en appren- nent les premiei s clémente. l);iiis le premier sens, on dil eu plaisantant, c'est un docteur ubécéduiro'. Dans le second, on dit, un vieillard abécé- daire, c'est-à-dire, cpii conunencc à apprendre une science difficile.— Cet adj. suit toujours son subst.

Abhorrer. V. a. de la 1" conj. On prononce les deux r. Dans le discours familier, on emploie assez souvent ce mot dans un sens exa^'éré. l.'i- maginalion ardente des femmes, el (prelqucfois l'affcclation, les porte à du-e cprcllcs abliorrcnl les personnes ou les choses qui ne leur ont causé qu'un peu d'humeur ou de dépii.

AnuoRiiÉ, Abiioiw.éi;. l'ail, jiassé du v. abhor- rer. Comme adjectif, il s'enijiluie absohiiiient, ou est suivi de la pré|iosilion de. Un prince abhorré, un prince abhorré de ses sujets.

AiîiMER. \ oyez Abymer.

Abject, Abjecte. Adj. On prononce le c comme un k. On peul, selon les cas, le mettre avant son substantif. Un homme abject, une créature ab- jecte, cette abjecte créature. Voyez Adjectif.

Abjuration. Subst. f. Ce substantif n a pas une signification aussi étendue (pie celle du verbe abjurer. 11 est borné a signifier une renoncia- tion solennelle à une erreui-, à une hérésie; au lieu qu'abjurer se dit des opinions, des senti- ments, des divers mouvements de l'àme. les mots abjuration el abjurer ne s'ein|iloient pas également par toutes sortes de iiersonnes. Ce qui est abjuration aux yeux de ceux qui regardent comme fausse et pernicieuse une religion à la- quelle on renonce , est renonciation pour ceux qui font profession de celte religion, et qui la regardent comme vraie. Les catholiipics appel- lent abjiirœtion la renonciation solennelle aux dogii;es de la religion protestante, iiarce qu'ils regardent ces dogmes comme des erreurs; et par la même raison, les prolestants donnent le même nom à la renonciation solennelle aux dogmes de la religion catholique. 11 en est de même du verbe abjurer : les catholiipics disent, abjurer la religion protestante ; el les protestants, abjurer la religion catholique. En ce sens, on le dit ab- solument lorsque les circonstances fniU assez connaître le régime du verbe : /' a abjuré.

Aboiement. Subst. m. Féraud piélend qu'on pourrait écrire aboiment sans e; c'est une er- reur. Dans ce mot la syllabe boi est longue, et c'est l'e qui la suit qui lui donne celte ijuan- tilé. Si l'on supprimait l'e, boi serait bref, à moins qu'on ne mit l'accent circondexc sur Vi. Je pense qu'il faut continuer d'écrire aboiement. L'Acailémie,dans son Dictionnaire publié en 1835, met aboiement ou aboiment.

Abois signifie les derniers soupirs. Ce mot abois est pris du cri des chiens (pii aboieiil au- tour d'un cerf forcé, avant de se jeter sur lui. Corneille a dit dans Nicomède :

El ces esprits légers approchant de» aboii.

(Acl. IV, se. n, 112.)

Voltaire dit au sujet de ce vers, que celte ex- pression des abois, qui par elle-même n'est pas noble, n'est plus d'usage aiijonrd hui. Voltaire a voulu dire, sans doute', que ce mot n'est plus en usai-'c dans le style noble; car dans le style ordinaire, il est encore usité au propre et au fi- guré. Abominable. Adj. des deux genres. Il se mel,

6

ABO

suivnnl les cas, avnnl son subslnnlif. Un homme ahomiiinb/p, un abuminublc linnimc ; un crime abominable, vu abominable forfait. \'oycz Ad- jectif.

L'Acaili'mic n'a pas in(li(]iic l'accpption priini- livc de rc imil. 11 se dil ;iii prii]ire dos rlioscs qui blessent au plus liaiil de|.'ié les principes sa- rrés de la rcliLMon, de la naUirc cl de l'Iuiina- rifc\ cl des [lersuniics (pii 1er coniinetleiit. Les dieux des mitions ctranrjères étaient abomina- bles aux yeux def Juifs L'idolùtric est abomi- nable aux yeux des clin liens. Une reliqion fjtii ordonne de turr ccii.v qui ne la suivent pas, est une religian ubovtinable. Le parricide est un crime ub uninable. Un parricide est un homme abominable.

Adominvrlrjiknt. A'iv. On peut le mcllie en- tre l'auxiliaire el le parlici|)e. // s'est conduit abomini.blemenl ou il s'est ubominublement con- duit.

Abomination. Snhst. f. L'Académie le dcfinil, déicsialinn, exécialiun 11 signilie propioineiil ol primiiivcnienl un senlinuMil d'avcr^iun niclc d'Iiorreur, causé par (pichpic cliuse qui révolie les |)rlnii[ies de la rcliuion el de la morale nalu- rcUe. Dans un sens élenihi, on dil c'est une abomination, ponr diio, c'esl une cIidsc Irés- mauvaise, lrés-l)l;unai)lc, une cliuse odiense; et on le dil souvent [lar c\agéialion. Telle acliun parait une abomination à un lionnnc irrilc, <piilui paraitrait toute naturelle s'il était de san^-fmid.

Aboni)\m>iknt. Ailv. On pont le nicllrc cnire l'auxiliaire et le participe. Cela est démontré abondamment, ou est abondamment démontré.

Abomiancr. Subst. f On dil l'abondance des idées, l'abondance des sentiments, l'abondance des expressions. On a|ipelle abondance de style une ailluence de mots et de lonis beurenx (]ui ex- priment les nuances des iiiées, des senlinienls et des ima^'es. On roit dans leurs ouvrages vue telle abondance de beautés... (Barlliél., Anacliarsis.) Il s'était fait vn style qui n'était qu'à lui, et qui coulait de source avec abondance. (Voltaire.) l.e vice de siyle o|ipo.-é à Vabondance est la séciie- resse el la stérilité. 11 y a aussi une fausse abondance, une abondance vaine (pii ne luit (jne déguiser la slcrililé de l'esprit el la di.selte des pcr.sées, par l'dstentation des paroles.

AB0^•DA^T, AnoNDAKTE. Adj. verbal tiré du V. abonder. On peut, selon les cas, le mettre avant son subsl. Une récolle abondante, vne abondante récolte, ^'oycz Adjectif.

L'Académie diliiiil abondant, t|iii abonde; et abonder, avoir en grandiî quantité. D'après ces deux delinilions, on pourrait dire qu'un lionune qui a des riciiosses en grande ipianliié est un homme abondant Ce mot signifie lillcralement qui afilue, <pii cmile à flul, et se dil proprement d'une source qui fournit de l'eau en grande cjuan- tilé. Une source abondante. 11 se dil par analogie des mines, des terres, des campagnes, des p;iys qui produisent nue grande quantité de choses né- cessaires aux besoins. Il se dit aussi des pro- ductions mêmes, des eaux abondantes, une ré- colte abondante ; des choses censidéiées suus le rapport des clïcts uliles (pi'elles doivent |iro- duire, et de leur quantiio relativement aux ef- fets, une nourriture abondante , des pluicj abon- dantes, des secours abondants; dans un sens plus restreint, il se dit abstraction faite de besoin et d'usage, d'excédant ou de snperllu , el ex- prime seulement une (piantilé jrlus ou moins con- sidérable de productions bonnes ou mauvaises.

ABO

r:^invfiie tout ce qui vuit paraisse plus abondant que ce qui sert... (Butl'on.)

Kn termes de litiéralme, on app'dle style abon- dant uu style les expiessions iieureuses sem- blent couler comme <le source pour exprimer les mianccs des idées, des sentimcnis el <\r<. images. Un style abondant en figures, en comparaisons. A'oyez Abondance. (Mi dit i\\\'une langue est abondante, lurscpTelle fournil un gr;iiid nombre tle mots et d'ex|)rcssions diverses propres à ex- primer loules les nuances îles iomm-cs.

(ici adjertif ne se dit oïdiniurcmcnl que des choses; cependanl, avec en, on le ilit fort bien des |KTSomii;s. Abondant en paroles, en saillies, en co Hipa ra iso n s .

ABo^uKR. V. n. de la d" conj. Ce mol ne si- gnilie [kis , comme le tlit l'Académie, avoir en grande qnanliié. 11 se dil propremenl el primi- tivement lies eaux, el signilii-, venir en abon- dance. Les eaux abondent dans cet étang. Par analogie, les marchandises abondentdans ce port, les chalands abondent dans cette boutique.

Abord. Subsl. m. Lee/ ne se prononce point. 11 en est de même de d'abord, adverbe.

Abordabi.k Adj. desdenx genres. Ilsuil toujours son subsl. Un homme abordable ,u ne céjte abordable .

Abokhkr. V. a. de la 1" cuiij. L'Académie dit cpi'il prend les auxiliaiies être el avoir. Mù- raud prétend (ju'aucun graimnairien ne lui a donné l'auxiliaire être, 11 suHil, jiour le lui donner, cpie cet auxiliaire ex|irinie une vue par- ticulière de l'esprit (pie ne saurail exprimer l'auxiliaire avoir, ci {jucile bons écrivains l'aient employé. Etre abordé c\\)v\\\\c l'elat de ceux qui sont dans le lieu ou ils ont abordé depuis peu, et avidr abordé signilic l'action d'abnnler. A^ous avons uhnrdé à cette île avec beaucoup de peine. Enfin nous sommes abordes, nous voilà abordés Kossuel, Dacier, l\ollin, etc., cmpluienl l'auxi- liaire cire dans ces cas. \'oyez Ao.viliaire.

Abortif, Abortive. Adj. ()ni snil loujours son subst. Enfant abortif, fruit abortif.

Aboutiss.\nt, AB0UTl^s.\KlK, atlj. verbal tiré du V. aboutir, y erre aboutissante d'un cette à la ri- vière, de l'autre au grand chemin. 11 .l'cm ploie au pluriel comme substantif. Les tenants elles abnutis'iants d'un champ, el non |ias les tenants et aboutissants, comme dil l'Académie.

Aboyant, Aboyante. Adj. verbal, tiré du v. aboyer. Un chien aboyant.

AcovEr., \. n. de la l" conj. Tl a sans douic été formé jiar oiromalo|iée, ainsi que le un>i japper. Voila pour<iuoi le premier s<; dit des gros chiens, et le six'ond des petits chiens, el aussi des re- nards, suivaiU Lli. iNo<lier. (IHct. des Onoma- topées.) (".ependant on dit t\\\oUnm(ô\^ j'npper, en |>arlam des gros cliieiis, cl aboyer en parlant des pclils. l\Iais alors «6»yc/- suppose un objK contre lei|uel le chien aboie, cl japper ne signilic que le cri naturel de l'animal, (jui n'est animé contre aucun objet. L'n gros c\\\o\\ jappe de joie en re- voyant son mailre aprc-s (|ueique temps d'ab- sence; un iiclit chien aboie qneliiuefois avec cha- leur conire les passants, le passage suivant de Bnflon semble prouver (iuey«;)/jpr se dit encore des gros chiens lorsque leur al)oicinenl est [dus faible, soit parce (pi'ils donnent, soit pour une cause semblable. Les chiens jappent souvent en dormant, et quoique cet aboiement soit sourd et faible, on y reconnaît cependant la voix de la chasse, les accents de la < olère, les sons du, désir ou du viurmure.elc. {Disc, sur la nat. desaaiim.y lom. XI, p. 428.)

AGC

Abréc.ï:. Siibsl. m. C'est un onvrngo il;ms le- quel on réduit en moins ilc piirolcs hi sulisliince de ce (jui csl dil ;iilli!iirs pl\is;iii long cl plus on détail, i.os .iliri-ges sont tliics, dit l)wiu;irMiis, quand ils sont l'ails de laron ipi'ds duuncul la ctin- naissanre ontiore do la rliose dont iisparloni; ils sont ce «piost un puitiail en miniature i)ar raj»- port à nn portrait on srand.

Aerkoir. V. a. de la i"" conj. l.'Aoado- mic le dolinil, rendre plus court, (.elle tlelini- tion ]ioul convenir an sons do ce mot «pii a rap- port au temps et à sa thiroo, commo cpiand on dit, cette vu'llinile nbri'ffO les tlmlci . vtnis ubrt'ijc:- vos jours par vos iit'} nie tu ties. .Mais on ne saurait rai)pli(inor à ce vorWe lorsqu'il sisriiilic, l'aire l'a- brégé d un ouvruL'o. On rend un ouvrairo plus court, si V>n en relranclio un ( liapiiro, un livi'o, un épisode: mais ee n'est [)iis la ce (pTon appelle Vdl/réffcr. /thn-r/pr un onvruge, '""est réduire Cil moins de |iarolos la substance de ce qui est dit dans cet ouvrau'o plus an loni: et plus on deiail.

Abrkuvkk. V. a. de la l'" conj. Il s'emploie avec le pronom p(*rsoiuiel, tant au [iropre qu'au figuré.

Ce rivage alTrciix S'abreuvait h re:;ret de leur san'^' iiialliutireiix.

(Volt., llenr., Vill, 175.)

ABnErvoiR. Snlist. m. 1,'Acatlcmiencle dit que d'un lien ou l'on mène boire Icsclievaux. Elle a oublié qu'on appelle aussi ubrcumir, les lieux les oiseanv \ ont ordinairement boire, et (pi'on dit en ce sens, cluisser à l'ubreuroir, prendre des oiseaiis a l'tibrevroir, tendre à l'abreuvoir.

Abrévi.vtion. Snbsl. T. l\elr;mcliemcnl detpn'l- ([ueslellres ou de quelques syllabes pour écrire plus vite ou on moins d'esiiacc. Tous les pré- noms sont susceptibles d'être dcsii^'nés par leur initiale. Nous avons indique les princi|)alos abré- viations en usa::e pariai nous au.x lettres typiques decliaque dnisiun.

* Abkcti.sskur. Subst. m. Ce mot n'est pas si nouveau ipi'un le pense. 11 y a longtenqts cpio VoMaire a dit : Je voudrais bien que les Turcs fussent chiissés du pays des Pèriclès et des Plu- ton. Il est vrai qu ils ne sont pas persécuteurs, mais ils sont abrutisseurs. Dieu nous défusse des uns et des autres. Cli. Nodier dit, dans son Exavicn criliqtie des Dictionnaires , que c'est un néoloi.'ism(; barbare.

Absenck. Subst. f. Racine en a fait usa^e dans le sens de mort :

Ce Iicros inlri'plde Consolant les mortels de l'aispnce d'Alcide.

(Rac, PUéd., acl. I, se. I, 77.) ifirammaire des Grammaires , p. 1051.)

Absknt, Absente. Adj. On. ne le met qu'npros son subst. Un homme absent, vne femme absente. Il reirit qm-lcpicfuis la préposition de: absent de Paris, absente de lu cour. On ne dit pas qu'on est absent d'une personne.

ABSKNrK.i!(s') V. pronom. Ilsignilieqiiitterpour quelque temps le lieu que l'on habite ordinaii'c- menl, une société dans laquelle on se trouve, une personne auprès do la(]uelle on est. A"a4.sr//- ter de clie: soi. il s'est absenté, de Paris durant trois mois , s'ab.ienler d'auprès de su femme. On [leut .l'absenter sans s'éloigner, mais on no saurait s'éloigner de chez soi, du lieu l'on demeure, sans s'absenter. Celui qui a chez lui

ACC 7

! dos alTaires qui exiçrnt une surveillance suivie peut bien quolcpiel'ois s'ub^ionier, mais il ne doil jamais s'rinigner. In liomine qui a île jnau- vai>os aflairos susceptibles iraccomni'idemcnl, d'arrangement, s'absenle; celui qui e^l coiqiablf d'un crime dont il ne peut e>jMirr le | union, s'éloigne.

AR.SINTIIE. Subsl. f. On a écrit iihxuitp,ithsii.- tlie,alisijnllie,e\ \wmo,apsintv. l.' Académie s' CSl doeideo avec raison pour ubsintlie, >»r absinlhe \\cn[ d'absiiitliium. l'y est doiu' iiinlile. Autrc- l'ois ce mot était masculin; aujourd'hui on ne le l'ait |)liis que rémimn.

Absolu, Absoluk. Adj. qui, dans les cas conve- nables, peut se mettre avant son >u!isl. Il est dé- ri\('dii mot latin oA.vo/m/i/.v, ipil sigmlie .leiai-hé, sé|)aro entièrement, complet, enliei', indi-peiidaul. Ce mol renferme uik: idée d'ariVauchissemint de tonte çéno, d'indépendance, trabsoneo do toute liaison, de tout rapport avec d'auin-s éircs. Pnii- riiir ubsoln. autorité absolue, cet absolu pouvoir. \ oyez Adjectif.

Absolu, on logique et en grammaire, csl l'op- jiosé lie relatif; il tloviont alors repilhélo, soit des idées soit des termes. Il y a des idées absolues cl des idées rtîlativcs, des termes absolus et dos termes relatifs. L'idée ab.ioluc est celle (pii n'a pas liosoin d'une autre idée à laquelle on la rap- [uirle, pour cire fcntiéromenl comprise, et (|ui n'en ié\eillc nocessaircmoni p<iinl d'aii;res jiar sa présence dans l'esprit. Tout ce qui e\isio, tout c^ (pli peut exister ou être considi-ré comme une seule chose, csl un être positif, l'objet d'une idée absolue.

L'idée relative suppose néccssaireinenl une autre idée, sans laquelle on ne la saisirait pas en- tièrement. Pierre est l'objcl d'une idée ab.tolne, si je le considère simplement commo individu ; mais si je le considcic coimiie père, mari, frère, maître, docteur, roi, grand, polit, prochain, éloi- gné, etc., je me forme autant d'idées relatives Tpii réveillent nécessairement chez moi parleur présence colles de lils, de roinnie, île frère ou de sœur, de domestique, do disi-iple, de sujet, etc.

11 y a encore cotte difléi once oui re l'idi'e (///5"- lue et l'iiléc relative, «lu'il n'est poini d'ifli'o abso- lue (\\i'ou no puisse rendre relative a nnoaulreen les menant on nipporl; au lieu (pi'il est des idées relatives que l'on ne saurait rendre absolues; telles sont colles de grandeur, de quantité, de partie, de cause, do père, etc.

Les tonnes ab.vl.us sont ceux qui expriment des idées absolues, tels <iuo substance, m.nde, homme, cheval, clc. : es icrmes rolalils expriment des idées rohiliveSjlcls (lue créateur, père, époux, sujet, etc.

In lormc absolu peut devenir relatif en y ajou- tant qiiol«luo mot (]ui indiipie une comparaison ; comme plus noir, plus gui, moins .Hucère, Ct<;. -Mais il y a des termes tellement absohi.i par leur nature, qu'ils ne soulfient pas ces signes do coin- [laraison. Ou ne peut pas ilire, par exemple, que yirgilc est plus immortel que Cicéron, |iarec qu'on n'est pas plus ou moins immoricl. Les adjoclils pa>/'(»i, universel, mortel, flernel essentiel, divin, suprême, sont des atljcclifs absolus. J.-J. llousseau a donc lait une faute eu disant, le premier langage de l'homme, le plus universel, le plus énerniquc, et le seul dont tl eût besoin avant qu'il fillul persuader des lurm- viesai.9emblés,est le cri de ta nature. On peut bien dire le plus énergique, parce «]U on peut avoir plus ou moins d'énergie; mais on ne peut

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pas dire le plus unirersel , parce qu'un langnire ne peut pas élrc i)lus ou moins universel, il m; faut pas dire non plus vne vertu trcs-esscnticUc, parc? que l'essence n'admet ni extension ni res- triction. On peut donc reprocher à Boileau d'avoir dit :

San» la langue, en un mol, l'auteur le plue divin Est toujours, quoi qu'il fasse, un méchant tcri»ain.

{A. P., I, 161.;*

Il y a des mots qui paraissent absolus et qui ne le sont pus, parce qu'ils supposent tacitement une relation; tels sont voleur, imparfait, vieux, etc. I.e voleur n'est pas tel sans une chose vok-c ; un cire est imparfait rcialivoment à une fin; un être est vieux relalivemcnl à un cire plus jeune.

En grammaire, on appelle verles absolus ceux qui n'ont pas besoin d'un coirpiémenl pour ache- ver l'idée qu'il:; expriment ; Icls sont mourir, naî- tre, sortir, tomber; cl verbes relatifs CQ\i\ (]\\'\ ont besoin d'un ou de deux compléinenls |)our être comi)ris entièrement; tels sont battre, con- naître, donner, renvoyer, qui onl un rapport né- cessaire avec un objet sur lequel s'exerce l'action qu'ils expriment. // bat sa femme, il comiaitses devoirs, il envoie une lettre à son ami.

On ii\)[)cl\e participe absolu.cchù qui ne prend les formes ni du féminin ni du pluriel. S'il n'est pas permis de se servir en ce cas du participe ab- solu, il faut renoncer à faire des vers. (Volt., Remarques sur Cinna, act. I, se. m, 33.)

On distingue des propositions ab.iolves et des propositions relatives. On appelle absolues celles qui sont telles que l'esprit n'a besoin que des mots qui y sont énoncés pour entendre le sens. On appelle relatives celles dont le sens met l'es- prll dans la situation d'exiger, de supposer le sens d'une aulrc proposition. Bieu est éternel est une proposition absolue ; qu'il fasse jour est une proposition relative.

On distingue aussi dans les mots le sens ab- solu et le sens relatif. Un mot est pris dans un sens absolu lorsqu'il est employé sans complé- ment. Dans aimez Dieu par-dessus toutes choses, le verbe aimer esl pris dans un sens relatif, puis- qu'il est suivi de son complément. Dieu. Mais dans aimez, et faites après tout ce quil vous plaît, le verbe aimer est pris dans un sens ab- solu, puisqu'il n'est point accompagné de son ré- gime. Dans/e suis père, père est pris dans un sens absolu; je ne dis pas de (pii je suis père; dans l'amour que j'ai pour mon père, père est pris dans un sens rclalil'; c'est le père de moi. Une seule chose est nécessaire, sens absolu ; la patience est nécessaire au sape, sens relatif; vmts marcherez derant moi, sens relatif; vous marcherez devant, et moi derrière, sens absolu. Voltaire a dit, dans ses remarques sur Corneille [Hor., act. IV, se. v, 7U) : On ne peut employer dedans que dans un sens absolu. Voyez Relatif.

Absolument. .\dv. On peut le mettre entre l'auxiliaire et le jjarticipe. // a voulu absolument partir, ou il a absolu7nent voulu partir.

Absolument est aussi un terme de grammaire. On dit (ju'j/n mot est pris absolument, lorscju'il n'aaucun rapport grammatical avec d'autres mots. Absolltoire. Adj. des deux genres. Il ne se met qu'après son subst. Jugement absolutoire. Absorbant, Absorbante. Adj. verbal tiré du V. absorber. Il ne se mot iju'aprôs son subst.

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rfemùdfe absorbant, terres absorbantes. Il se prend aussi substantivement. Un bon absorbant

Absorber. V. a de la 4" conj Selon l'A- cadémie, il signifie engloutir. Il y a de la diffé- rence entre ces deux expressions, ^-//y^orier expri- me une action successive qui finit par consumer le tout. Engloutir exprime une action qui saisit le tout et le fait disparaître tout d'un coup. Le feu absorbe, la mer engloutit.

Absorption. Subst. f. Volncy a employé ce mot au figuré. De môme que, dans un État, un parti avait absorbé la nation; puis, une famille le parti; puis, vn individu la famille : de même il s'établit d'Etal à Etat un mouvement d'al>- sori)lion. [Les Ruines, chap. xi, p. 59.)

Absoudre. V. a., inég. et défeclucu.x de la 4 ' conj. Voici comment il se conjugue :

Indicatif. Présent. J'absous, lu absous, il absout; nous absolvons, vous absolvez, ils absol- vent. — Imparfait. J'absolvais, tu absolvais, il absolvait ; nous absolvions, vous absolviez, ils ab- solvaient. — Le passé simple manque. Futur. J'absoudrai , tu absoudras, il absoudra; nous absoudrons, vous absoudrez, ils absoudront.

Conditionnel. Présent. J'absoudrais, tu ab- soudrais, il absoudrait; nous absoudrions, vous absoudriez, ils absoudraient.

Impératif. Présent. Aiisous, qu'il absolve; absolvons, absolvez, qu'ik absolvent. Subjonctif. Présent. Que j'absolve, que tu absolves, (ju'il absolve; que nous absolvions, que vous absol- viez, qu'ils absolvent. L'imparfait du subjonc- tif manque.

Participes. Présent. Absolvant. Passé. Ab- sous, absoute.

On l'a absous, il a été absous. Ab.wvdre quel- qu'un d'un crime dont il était accusé. On l'a ren- voyé absous.

Quelques-uns écrivent le participe passe mas- culin avec un t, absout; ce qui le rend plus ana- logue au féminin, que l'on écrit absoute; mais l'usage est contraire à cette orthographe.

Abstème. Adj. dont on a fait un subst. des deu.K genres. Ce mot n'est point usité dans le langage ordinaire. On dit qu'une personne ne boit point (le vin; ou bien que c'est un buveur ou une bu- veuse d'eau. Parmi les proteslanls, on appelle ubstèmes les personnes qui ne peuvent participer à la coupe, dans la célébration de la sainte Cène, à cause de l'aversion naturelle qu'elles onl pour le vin

Abstenir (s'). V. pron. et irrég. de la 2" conj. Il se conjugue connue tenir. Voyez Irrégu- lier.

ABSTmENCE. Subst. f. Quand ce mot se dit au pluriel, dit Fcraud, il ne mar(iue pas la vertu de la mortification, mais les œuvres de celte vertu ; et il donne pour exemple : les abstinences et les modérations doivent être réglées par la prudence. Je ne pense pas i\n\ibstineuce puisse cire jamais mis au pluriel. Dos œuvres d'absti- nence ne sont pas plus des abstinences, que des teuvrcs de justice ne sont dcsj'uslices, cl des o'uvresde piété des pietés. On dit bien des cha- rités, pour exprimer certaines œuvres (|ui peu- vent être inspirées par la charité, mais dans ce sens les charités a jjIus de rapport à aumônes qu'à la vertu qu'on nomme charité. On peut faire des charités sans avoir de la charité : on les fait sou- vent par pitié, par osteiUalion,clc. L'Académie dit (lu'en parlant du boire cl du manger il s'em- ploie quelquefois au |)luricl. Les abstinences

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prescrites par l'Eglise. Exténue de Jeûnes et d'abstinences.

Abstinknt, Abstinente. Adj. qui suit toujours son suhst. Un homme abstinent, une femme ab- stinente. 11 est peu usité.

Abstraction. Subst. f. Ce mot vient du latin abstrahere, qui veut dire arraclier, tirer, dé- lacher. L'abslracliun , dit Dumarsais , est une opération de l'esprit par laquelle, a l'occasion des impressions scnsii>les des objets extérieurs, ou à l'occasion de quelque affection intérieure, nous nous formons, i)ar réflexion , un concept singulier que nous détachons de tout ce qui peut nous avoir donne lieu de le former. Nous le regardons n part, comme s'il y avait quoique objet réel qui ré|)ondit à ce concept, indépen- damment do noue manière de penser; et parce que nous ne pouvons faire connaître aux autres hommes nos pensées autrement que par la parole, celte nécessite et l'usaçe nous sommes de don- ner des noms aux objets réels, nous ont portés à en donner aussi au concept métaphysique dont nous parlons.

Ainsi c'est par abstraction que nous avons formé les noms de tous les objets qui n'existent point réellement hors de nous, mais qui ne sont que des vues pariiculiércs de notre esprit.

Le sentiment uniforme que tous les objets blancs excitent en nous, nous a fait donner le même nom qualificatif à chacun de ces objets. Nous disons de chacun d'eux en particulier qu'il est blanc. Ensuite, pour marquer le point sous le- quel tous ces otijels se ressemblent, nous avons inyenié le mot blancheur. Or il y a en effet des objets réels que nous appelons blancs; mais il n'y a point hors de nous un être qui soit la blan- cheur. C'est donc par abstraction ([ue nous avons inventé le mot blancheur. C'est aussi par abstrac- tion que nous avons imaginé les mots beauté, étendue, figure, divisibilité; et ces mots sont, par cette raison, des noms abstraits.

Les termes abstraits sont nécessaires dans les lang.ucs; et si l'on voulait les éviter, on serait oblige d'avoir recours a des circonlocutions et à des périphrases qui énerveraient le discours. D'ailleurs, ces termes fixent l'esprit; ils nous for- cent à mettre de l'ordre et de la précision dans nos pensées; ils donnent jilus de grâce et de force au discours; ils le rendent plus vif, plus serré et

Î)lus énergique : mais on doit on connaître la va- eur.

Abstp.activement. Adv. Il ne se met guère qu'a- près le verbe. Jl a considéré absir activement cette qualité.

Abstkaire. V. a. et irrég. de la 4^ conj. Il se conjugue comme traire. Voyez ce mot

Ce verke n'est pas usité à tous les temps, ni même a toutes les personnes du présent. On dit seulement j'abstrais, tu abstrais, il abstrait; mais au lieu de dire , nous abstrayons, etc. ; on dit, nous faisons abstraction, le parfait et le prétérit singulier ne sont pus usités; mais on dit, j'ai abstrait, tu as abstrait, etc ; j'avais ab- strait, etc., j'eus abstrait, etc. Le présent du subjonctif n'est point usité. On à\l, j'abstrairais, etc. On dit aussi que j'aie abstrait, etc.

Abstraire, c'est faire une abstraction : c'est ne considérer qu'un allribul ou une propriété de quelque être, sans faire attention aux autres attri- buts ou qualités; par exemple, quand on ne con- sidère dans le corps que l'étendue, ou qu'on ne fait attention qu'a la quantité ou au nombre.

Abstrait Abstraite. Adj. qui se dit des per-

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sonnes et des choses, et qui ne se met qu'après son subst. Un esprit abstrait est un esprit in;ii- tenlif, occupé uni(]uomeiit de ses propres |icn- srés. Tous les termes soin indivitlueN ou «4- slraits. Les grammairiens appellent noms appel- latifs ceux qui signifient des substantifs abstraits.

On distingue des termes abstraits et des termes concrets. On entend par les premiers ceux (|ui signifient les modes ou les (jualités d'un être, sans aucun rapport à l'objet en (pii se trouve ce mode ou celte qualité; tels sont les substantifs blancheur, rondeur, longueur, sagesse, mort immortalité , vie, religion, foi, etc. I.r ixrnics concrets sont ceux qui représentent ce. ■'•n i- ^s, ces qualités avec un rajiporl à (piehiue sujet in- délenniné; ou autrement ceux qui représentent le mode comme a|ipartenanl a chaque être, et ces tciines sont ceux que les grammairiens appellent aàj'ectifs, ipioique assez souvent ils soient em- ployés comme substantifs. Tels sont blanc, rond, long, sage, mortel, mort, immortel, etc. Quoique les termes sage, fou, philosophe, lâche, etc., s'em- ploient souvent comme substantifs, ils sont ce- jiendanl termes concrets, parce qu'ils ont leurs abstraits correspondants, sagesse, folie, philoso- phie, lâcheté, etc.

Ln terme abstrait peut quelquefois être em- ployé comme nom pro|)re et individuel , en y ajoutant (]uelques mots (|ui en lesireignent le sens à un seul individu, ou en indiipiant qnehpie cir- constance qui produise le mcmecffel dans Tesiirit de ceux qui le connaissent. Ainsi père, mère, femme, sœur, maison, sont des termes généraux, des termes abstraits; ils deviendront individuels si je dis, jiar excni|)le, 7«o« père, ma mère, ma femme, ma sœur, ma maison. De même, si étant a Paris, je dis le roi, la rivière, chacun sait que je parle du roi régnant et de la Seine, (juoique les termes roi cl rivière soient des termes géné- raux qui, en tout autre cas, désignent chaque roi, chaque rivière.

De même des termes individuels , des noms propres, peuvent devenir des termes universels et abstraits, parce qu'ayant jjris de l'être unique que chacun désigne, les caractères les jjjus frap- pants qui les ont distingués, on en a fait un con- cei)t à part auquel on donne ce nom [)io|)re indi- viduel, et on emploie ce nom proiire à désigner tout autre être qui lui ressemble par ces traits caractéristi<iues. Si, ay:mt saisi, par exemple, dans l'idée individucll« d'Alexandre, les idées partielles d'ambition, de valeur entreprenante; dans l'idée de César, celle d'un généial parfait qui joint la science militaire, l'étude des belles-lettres, la prudence,ractivité,au courage héroïque, j'em- ploie les noms yjlerandre cl César comme des noms communs (|ui ne désignent que des traits dislinctifs de ces individus, je i)uis dire de Char- les XII, c'est l'Alexandre du Nord; de Irédé- ricll, c'est vn César. C'est dans le même sens que l'on dit d'un politique fourbe et cruel qui emploie la trahison et le crime , c'est un Ma- chiavel.

Abstrcs, Abstruse. Adj. qui suit toujours son subst. Raisonnement abstrus, question abstruse, sciences abstruses.

11 ne faut point confondre ce terme avec a^ strait, qui se dit, de même (pi'ai.s7n/.s, d'une ciiosc difficile à comprendre. Une chose abstruse est difficile à comprendre, parce (pi'clle dépend d'une suite de raisonncinenls dont on ne peut suivre la liaison et saisir l'ensemble que par le moyen d'une contention d'esprit extraordinaire.

^0 ABY

Une rhnso abstraite ost .linicile à comprendre, | nnrcc <|ii"ollc i-sl l:cs-fl»ii!.'iiér des ulccs loiii- muiics. In li'.iiîo sur rciileiulrincnl liiiin;iiii Cbl né<-<'ss;iiii'iiu'nl alisIrcU; lit l'l'oiiu'Iiic Irinst cn- dnnir <'^l une science abttnise. 11 dil «jnel- qnelViis des éciiv;iins diins un sens doi';ivor;il>le. Ce philosophe vi'u paru fart abstrus. ( Die t. de YAcud)

ARsur.nr.. Ailj. des deux çr>nres. On ne Iroiivc Dullc pnrl (jne cet ndjeclif peiil régir lu |HT|i(isi- lion à. On en voii deux exemples dans les vers 5uiv;Mil> de \ oliaire :

Ce tlugiiic dbMii'ile à croire, aUsiinlc à |ir.iliqiicr.

(Volt., ie Disc, sur rilommr, 123.)

Fêrand prélenil (]\\\ihsur,Ie no se dit que des choses; il se Iniinpo. On dil Irès-liieii un homme abaiirdr, |Miiir simiilior un Iminme (]ui ne dil «iiie des aiisnrdilés. 'Dicl. Je l'.tcud.) (et adjeciil" se met ordinaironioiil oiirès sun snlislanlif; (jucl- quefois cc|peiidanl on le met avant : cet absurde ruisiiunciiiciit.

AiisLiiKKMF.NT. .\dv. 11 ne se met qu'après le VCrliC. // a ruisniuii: ubsurJempnt.

AiismunÉ. i>ul)st. m. lin parlant du vice ou du défaiil de ce <pii C^t absindc, il ne prend puiiil de pluriel". \ absurdité, d'un raison neuirnl ; /'tib- surditi' de ce discours. Quand il sii;iiiiie cliose alisuide, il peut seineilrc au [iluriel: ce discours est jilciii d\ibsurdilrs.

Abls. Suhsl. in. En terme de çrnminnire, il so dil de l'applicalion d'un mol dans un tcns qui n'esl pas sitn \rai sens.

Arisi'.i;. ^■. a. et n. de la I"^ eonj. On trouve dans le Dit liouvairc de l'.-Jcadruiie, abuser les es/irits faibles, abuser les peuples. N'ullairc a dil abuser les regards.

Par SCS dHiiilseiticnts à tonte lieiire elle (U politique) abuîO Les rcjjarJs éblouis Je l'Europe confuse.

(YoLT., W;ir., \\, 2ôl.)

On dit des choses, qu'elles abusent, pour dire qu'elles iruniiienl, (lu'clles indiiisenl en erreur. Je reconnus, mai? trop tard, les chi/uères r/ui m'avaient abusée. (J.-J. Ilousseaii, HiLiïse,i'' part., leilre AVIH, l. iv, p. 5'i ) Doux espoir qui nourrissais vinn finie et m'ubusais, te voilà dune éteint sans retoiir! {Idem.)

Adl'sik, XiiesivK. Adj. (pii se uiet ordinaireincnl après Siiii sulisl. En terme de grannnaiie, on ap[ielle terme abusif un terme pris dans un sens (pii n'esl pas adopté p;-! l'usai-'e; sens abu- sif, lin sens donni; à un mol contre l'usage ou contre le l)on .isage.

Abi sivEMF.NT. Adv. On peut le mettre entre l'auxdiaire et le [Ku-ticipc, (piaml l'iiarmunie ne s'y <)p|i(ise pas. Oh a établi abitsiremcnt cette •coutume ; on ucait abusivement établi cette cou- tume.

Abymf.h. V a. de la 1" conj. I.'Académic, dans ses anciennes édilions, a toujours cent ubij- mer, eonformiMnenl a l'éiyuioloijie; mais dans son édili<in de J >US, elle a rejeté l'y cl a écrit abîmer. Ceux q\ii liemieiit a ce (pie l'on conserve les ua- ccs de 1 ciynioluî^iedes mois diront qu'elle a mal fait: d'auiies rajipronveront. 11 est ceriain (pi';iu- jonrd Inii du retranche autant que l'on piMil l'y, lorsqu'il n'a pas la prononciaiion de deux t. Mais pouripiiii ce retranchement ilans cerlains mots, et non diiis d'autres''' Sil'on peut écrire abîme, pourquoi u'écrirait-on pas 'icua:?

ACC

Los mots abyme, abijmer, oTrcnt toujours UM idée de profondeur.

Je fri'n.is quand je toi Les abvmes profanât i|iii .Voiivniil dev.inl moi.

(Uac, Etth., ad. IV, se. I. fi5.>

En qnfl gouffre d'Iiorrenr Tes périls cl ma perle oui jliyiiié innn cicur.

(VuLT., Uahom., aol. 11, ic. I, li.)

Pourquoi, dil 'S'oltairc dans ses I\emarqucs sur t'.oriieille, pnunpioi dil-oii jiibymé dajis la douleur, dans ta tristrs.se. e'.e.? c'est tpl'on y l)eul ajoiiler ri-pillièle de profonde.

Acabit. Siilist. m On ne prunonce point le t.

Ai.ACU. Siibst. m Méiiai-e [Obscrr. sur la lan- gue française, cli. ci.x >, Trevinix, Th. Corneille ( Obscrr. sur f^augvlas ) VA i'eraiid, prelciidcnt i\\t'acacia ne doit p.is |irendie d* au pluriel. 1,'Acadéiiiie veut qu'il en prenne un, et elle ne dil pas pourquoi.

AcADKiiiouE Adj. des deux genres qui se place ordinairement après son snhst., excepté en vers, on le met oïdiiiuireincul uvuul.

QuitUiut le ton de la nature, Itépandaut sur tous leurs discours L'acudèmi'iue (^nlnininure.

(Ghesskt, Chartreuse, 585.)

AcvDÉMiQCEMENT. Adv. On ne le met iiièreqir»- près le verlie. Cela est écrit académiquemcnl .

AcAKiATRK. Adj. des di.'iix genres qui suM ton- jotirs son subsl. Une femme acariâtre, vn esprit acariiitre.

AecAni.ANT, .Accablante. Adj. verbal lire du V. accabler. 11 se met avant ou après le substan- tif, selon li,-s l'as. Une nourelle accablante, cette accablante nourelle. ^'oye7. yidjcclif.

Il ne se dit point comme le vinbe accabler, des bienfaits, des faveurs, «les caresses, à moins qu'ils ne soient indiqués comme à charge et insuppor- tables. On dit bien vous m'accablez de bienfaits ; mais on ne dit jias dans le même sens, vos bien- faits accablants.

.AccAnLKR. \'. a. delà i" eonj. yiccabler quel- qu'un de rcproclies, d'injures, de grâces, de fa- veurs.

Je t'en avais comblé (de bicnfallO, je t'en veux accablvr. (ConN., Cin., act. V, se. m, H.)

La Harpe a dil à l'occasion de ce vers de Vol- taire :

Je voudrais... mais faut-il, dan; l'éLit qui m'opprime... (Volt., Simir., act. 1, se. v, 78.)

on n'est point opprimé par un élat.; on cstacctf- blè d'un état, et opprimé par le sort. Etre ac- cablé sous un fardeau.

Son vieux père, accablé sniis le f.irdeuu des aii", Se livrait au sommeil entre «es deux c-nfanls-

(VOLT., Henr., H, 507.) '

AccAPARcnR. Adj. , fait au féminin Accapar rcuse.

Accéder. V. neut. Accéder à vn traité. Il prend l'auxiliaire avoir; j'ai accédé.

AccÉLÉitATEUiî. Adj. Il fait au léminin accéléra- trice. Force accélératrice. 11 ne se met (lu'après son subst. ( Accent. Subst. m. On entend par ce mot une I manière d'articuler et de prononcer les mois d'une

ACC

langue. I.a manière U';irticuler et de pronoiiror les mots ilo 11 l:inçuo fi;iiiç;iise suivaiU le l)ii;i usage ei les rè|:li^s de In pi'oaonciatlon, s'apiiolle l'acce/it tia/iiiiial français.

Dans cliaiine |iru\ incc, dans chaque villi», on s'ccarlo plus lui moins, d'nne nianière ou d'une autre, dti hon usai'e (pii consiilnc i'acicnl natio- nal; cl ces dillcreiices fornionl les acceins des provinces. On iWsWw^nc Vucce/il ffascon, l'accent picard, raccciil iinrmand, etc.

On donne anssi le nom iVacccnl au\ diverses modilications de la voix, (pii servent a disliiiiruer certains tons dans le discours, et à y mollie plus de variété. Cliaipic mol qui a plus d'une syllalie reçoit plus d'un accent dans la |)rononciaiion, même lorsipi'on le prononce seul et hors de sa liaison a\ ce d'autres, l/ellcl de cet accent est de détacher ce mot de ceux <)ui pouriaient h; précé- der el le suivre, et d'en laire un tout (pii ail lui coinnieiicemeiu el une fin, une élevali"» el un abaissenienl. (lel accent se uimr.nc accent ffruîn- malical ; c'est l'usage seul ipii le di'terniinc dans chatpie langue, et il sérail dillicile de rendre rai- son d(! sa iliMeiniiiiaiion. Il conlrihuea rendre les périodes sonores, en ce <iu'il les divise en mem- bres, el (ju'il donne de la variété à ces mendjres. Dans les mois (pii ont un no;nljrc ég.d de sylla- bes, l'acceni c>l laiilôl sur la linale, "tanlôl sur la pénulliénic, et laïuôt sur ipiclqu'uiie des autres.

On appelle «ccp/f/ ()rrt/"t/c les diverses modili- cations de la voix (|ui sont dcsiineesà indiijuer plus précisément le sens du discours, et à expri- mer i)lus roiieuienl l'idée piincipale. 1 es mono- syllabes n'onl |ioinl d'acceiil gi-.uumalical, mais ils peuvent avoir un accent oratoire, lorsiiue c'est sur l'idée tju'ils expriuieiU que l'oi'alcur veul diriger l'allcnlion de ses audiicurs. Dans les mots poly- syllabes, Vuccent oratoire renforce ou aflailifit Vaccent çiaiiunalical ; quelquefois même il fait dispa-!"iitre ce dernier, en apjiuyant sur d'autres syllabes.

L'accent pathétique est une espèce particu- lière de l'flccr/j/ oratoire ; il doime le Ion au dis- cours, el ajoute un nouveai degié de force à l'accc/i<simi)leuient oi-aloiie, (j.. il détermine |)lus précisément. On peut en effet prominccr les mê- mes discours a\ec les méiues accents oratoires, en des manières si différentes, (ju'ils changeiil totalemenl de cai'aetcre.

C'est de l'ob^ervaliim exacte des accents que dépend en grande jiartic l'harmonie tlu discours. L'orateur ou le poêle (pii sait arranger les mots et les phrases de manière (pic les accents, agréa- blement variés, se jnésenlenl d'eux-mêmes à la lecture, cl répondent si cxaclemenl aux pensées, qu'on no puisse les transposer, sera à couji sur harmonieux ; car il n'est pas douteux que î'iiar- monie ne lieime plus à la lielle variété des ac- cents qu'a une prosodie scrupuleuse.

Chaque iiensée, chaip;c passion a ses accents <îui lui sont propres. Aussi dit-on les accents de la douleur, de lu pitié, de la joie, CtC.

On enlend loiir à tour les vœux de l'amitié, L'accent du désespoir, celui du la pitié.

(Delillk, Énéid':, V, 201.)

Ses accents ressembl.aienl à ceux de ce tonnerre. Quand du mont Sinai Dieu parlait à la terre.

(YoLT., Henr., YIX, 117.)

On appelle accent prosodique cette espèce de modulation (iui rend le son grave ou aigu. Il dif- fère de [accent oratoire, en ce que celui-ci influe

Ad;

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moins sur chaque syllabe d'un mot par rapport aux autres syllabes du mène mot, que sur la phrase entière par rai.pori an sens. t)n pcul dire aussi tpic Vuccent prosodique des mènie» mois demeure invariable au iinlieu de lonics les va- riétés de Vaccent oratoire; parce que, .laiis le même ukjI, chaipic syllabe conserve la l'néme rc- hilion mécaiiiipie avec les autres syllabes, el (|uc le même mol, dans difléienles (ilnases, ne con- serve |»as la même relation analyliipic avec les autres moi Gc ces phrases.

Inliii, on appelle accents certains sL'pcs que ronemploiedaiiilécriture et dansrimpic sion.ct tpie l'on mel sur les voyelles, soil |iour en faire coniiailie la prononciation, soit |iour disimmicr le sens d'un mol d'avec celui d'un autre mol qui s'écrit de même.

On dislingue dans la langue française trois espèces û'acccnls : Vaccent aigu ('), Vaccent gi;he ('), el Vaccent circonllexe (").

On se sert de r«cc<?«/ aigu pour martpier le San tie Vc fermé, bnnté, chasteté, aimé; on m3t l'accent grave sur Vc ouvert, procès, succès.

Lorsqu'un e muet esl précédé d'un aiilre « luuet, celui-ci devient plus ou mois ouvert. S'il esl simiilemciit ouvert, on le marque d'un accent grave, ilviènc, il pèse, vion père, ma nicre;%"\\ esl tiès-ouverl, on le inai'ipic d'un accent circon- llexe, être, même, tète, tempête, cic.

iSotre prosodie ne souffrant pas deux e innels de suite tians le même mot simple, on mel Vac- cent aigu sur l'e final des verbes ipii, dans les jihrases intsrrogalives ou autres, sont joints par un tiret avec le pronom je. Aimé-je, dussé-je, veillé-je

On met l'accent grave sur à prêi>osiiion, pour le distinguer d'n Iroisièmc personne de l'indicatif présenl du verbe avoir. On le mel aiis-i sur adverbe, pour le distinguer de l'article ou du pro- nom lu; el sur adverbe, pour le distinguer iVou conjonction. Dès signilianl du moment où, s'écrit avec un accent grave; des signilianl de les, s'écrit sans accent.

Ouoique dans les mots les, mes, tes, ces. Va soitouverl, on n'y met point iVacccnt.

Vuccent circonflexe, qui se met sur l'e fort ou- vert, se met aussi sur d'autres voyelles longues, comme û^e, héiillcr, gîte, cote, fh'ite, etc. Les mols(|iii sont aujourd'hui ainsi acceniiiés, furent d'abord écrits avec une double lellrc ou avec un s. On prononçait alors celle double b'tlie ou ce s,aagc, buailler, yisle, cnsle, flu.'ite, etc.. l'/ans la suite on relranclia ces lettres dans la pronon- ciation, et on les laissa subsister dans l'écriture, parce (pie les yeux y elaicnl accoutumés; au lieu de ces lettres," on fit la syllabe longue; plus lard on marqua celle longueur par ïucceut circon- flexe.

On met aussi cet accent sur Va de le vôtre, h notre, apôtre, bientôt, c[c., (pii s'écrivaient an- ciennement rostre, nostre, apustre, bicnlnst, elc Ou en fait également usage à la |)ieiiiièieet a la seconde personne du pluriel du passe siiniile de lindicalif: nous aimâmes, vous uimulcs,nous reçûmes, vous rcciîlcs, Clc, Ci a la troisième l»'"'.- soiiiie du singulier de l'impaifail du subjoncur, qu'il eût, qu'il aimât, qu'il reçût. On le met en- core sur mûr, sûr, etc., ipToii rciivail aulrelois vieur, seur. Le mot dû, |tailicipe passe du verbe devoir, prend aussi racccnt circonflexe, parce «pi'on écrivait deu, et aussi pour le distinguer de rariiclccom|)0.sé du. Mais ce particiiie ne prend point cet accent au féminin ; on écrit due.

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ACC

Kn génonl, on ne met point d'accent sur IV ouveiH quand cel e osl suivi d'une consonne avec laquelle il ne f.iil (ju'iine syli.-iliie. Ainsi on écrit sans accc/il, la mer. Je fer, aimer, ilonner, elc.

Depuis l'ciliiion du Diclionnaire de l'Académie publié ei. 171(8, l'usage abusif s'est introduit, d'a- près ce Dictionnaire, de mettre un accent cir- conflexe sur l'a du mol ûvie. L'accent circonflexe suppose la suppression d'une lettre, et l'on n'a ja- mais écrit asrnc; il sert à rendre une syllabe lon- gue, et la première syllalio d'ame est longue par les règles générales de .a prosodie. Depuis Mon- taigne, (]ui écrivait ame, jusqu'à l'abbé Féraud, quia commencé d'écrire dmc, ei qui n'a été imité par personne, on avait toujours écrit ce mot sans accent. Mais aujourd'hui, d'après cette dernière édition du Dictionnaire de l'Acailémie, la plu- part des protes et des imprimeurs mettent cet ac- cent circonflexe, et la plupart des auteurs les laissent faire.

C'est probablement dans le dictionnaire de Fé- raud que l'Académie de 17i)8 a puisé cette inno- vation. Ce lexicographe voulait que l'on mit l'ac- cent circonflexe sur toutes les syllabes longues. Il voulait que l'on écrivit, cl il écrivait lui-même, âme, barbare, colère, empire, aurore, lecture, emphase, thèse, surprise, chose, vitise, oser. A oyez le Dictionnaire de Féraud, au mot ac- cent, et à tous les mots oit il y a une syllabe lon- gue. ]l en donne pour raison l'avantage de mar- quer la prosodie de chaque syllabe, puiscpic toute syllabe qui n'aurait point cet accent serait, par même, indlipiée comme brève.

Je n'examinerai point si cette innovation serait utile ou non ; mais elle n'a été accueillie ni par les gens ùs lettres ni par les gens du monde; mais l'Académie de 1798, qui n'avait pas dessein de l'admettre, et qui ne l'a point admise, n'avait aucune raison, en rejaiant ce système, d'accueil- lir l'orihograplie du seul mot urne qui en fait partie. h'Âcadémie, en 1835, a persévéré dans l'emploi du circonflexe.

Voici comment .M. I.emaire explique celte dé- cision : « Le mot âme est évidemment formé i)ar « contraction, soit qu'on le tire du grec â-ysac.;, « soit qu'on lui donne pour origine le latin ou « l'italien anima. Or, la contraction qui rend la « syllabe longue, tandis qu'elle est brève dans i' amour, qui n'est pas contracté, nous semble <i un motif suffisant pour admettre l'accent cir- « conflexe. «

(Grammaire des Grammaires, p. 975.)

AccENTOATioN. Subst. f. Manière d'employer les accents dans l'écriture ou dans l'iniijiimerie.

Accentuer. V. a. de la 1'* conj. C'est mal à propos que Féraud re|)roclie à l'Académie d'avoir indiqué ce verbe comme actif, en donnant un exemple il est neutre : il ne sait pas accen- tuer. Ce lexicographe aurait savoir i]ue tous les verbes actifs peuvent être pris absolument, sans qu'on puisse pour cela les (pialifier de neu- tres. On pourrait très-bien doiuier poiu- cxenqile de rein|)l(ji tlu verbe aimer, il ne sait pas aimer, sans qu'on puisse en conclure qu'on regarde ou qu'on doive regarder ce verbe comme im verbe neutre.

Acceptable. Adj des deux genres; il suit tou- jours son snbst. Une propositioii acceptable, des conditions acceptables.

AccEi'TEn. \ . a. de la i'° conj. Accepter un don, un présent. Je ne veux rien accepter de cet ho7nme-la

Acception. Subst. f. Terme de grammaire. On

ACC

peut considérer un mot matériellement comme signe, abstraction faite de sa signification primi- tive, comme quand je dis -.arbre est un mot de deux syllabes; on relativement à sa signification primitive, comme quand je dis : arbre se dit d'une plante qui a des racines, vn tronc, des branches, etc. Ces deux manières de considérer le mot arbre sont deux nrcr/î/w/i.ç différentes de ce mol. La première est ['acception matérielle, parce qu'on n'y considère que le matériel du mot ; la seconde est Vacceplion formelle, parce qu'on y envisage directement et délerminémenl la signifi- cation primitive du mot. Ainsi un mot (jeut être pris dans une acception matérielle ou dans une acception formelle.

Le même mot matériel peut être destiné par l'usage à être, selon la diversité des occurrences, le signe primitif de diverses idées fondamentales; et, à cet égard, il y a autant d'acceptions qu'il y a d'idées fimdameiUalesdont il [teutétre le signe. Par exemple, le inot coin exprime quehiuefois un angle; tantôt un instrument inécaniipie pour fendre, et tantôt tin inslrumenl destiné à mar- quer les médailles et la monnaie. Ce sont autant d' acceptions différentes du mot coin, parce qu'il est fondamentalement le signe de chacun de ces objets que l'on ne désigne dans notre langue par aucim autre nom. Chacune de ces acceptions est formelle, puisqu'on y envisage directement la signification primitive du mot; mais on peut les nommer distinclives, puisqu'on y distingue l'une des significations primitives que l'usage a attachées au mot, de toutes les autres dont il est susceptible. Il y a dans la langue fran- çaise plusieurs mots susceptibles de divei'ses ac- ceptions distinclives. On remarijue, par exemple, dans les phrases suivantes, quatre acceptions distinclives du mot esprit : L'esprit est essen- tiellement indivisible; lu lettre tue, et l'esprit vivifie ; reprenez vos esprits ; ce fœtus a été conservé daîis l'esprit de vin. Ces quatre ac- ceptions différentes se présentent sans équi- voque à quiconque sait la langue franyitise, parce que les circonstances les fixent d'une manière précise.

Outre les acceptions dont nous venons de par- ler, les mots qui ont une signification générale, comme les noms ajjpellatifs, les adjectifs et les verbes, sont encore susceptibles d'une autre es- pèce d'acception que l'on peut nomiTicr déter- minative.

Les acceptions délerminalives des noms ap- pcllatifs dépendent de la manière dont ils sont employés, qui fait qu'ils présentent à l'esprit ou l'idée al)slraitc de la nature commune qui consti- tue leur signification primitive, ou la totalité des individus en qui se trouve celle nature, ou seu- lement une partie indéfinie de ces individus, ou enfin un ou plusieurs de ces individus précisé- ment déterminés. Selon ces différents aspects, Vacccption est OU spécifique, ou universelle, ou particulière, ou singulière. Quand on dit agir en homme, on \\Ycm\ le mot homme dans una accep- tion spécifiijue, puisqu'on n'envisage que l'idée de la nature humaine; si l'on dit tous les hommes sont avides de bonheur, le nom homme a une ac- ception universelle, parce qu'il désigne tous les individus de l'espèce humaine; quelques hommes cnt l'amc élevée; ici le nom homme est pris dans une acception particidièie, parce qu'on n indique qu'une |)artie indéfinie de la totalité des indivi- dus de l'espèce. Cet homme (en parlant de César) avait un génie supérieur ; ces douze hommes (eu

ACC

((arlanl des iluuze apôtres) n'araient par eux- mêmes rien de ce i/iii peut assurer le succès Je leur entreprise. Le nom homme, dans ces deux exemples, a une acception singulière , paiio qu'il sert a délenniner précisément, dans l'une des phrases, un individu, et dans l'autre douze individus de l'espèce humaine.

Plusieurs adjectifs, des verbes et des adverbes, sont également susceptibles de diverses accep- tions déterminai ives ijui sont toujours indiquées par les compléments qui les accompagnent, et dont l'effet est de restreindre la signiticalion pri- mitive et fondamentale de ces mots. Un homme savant; un homme savant en grammaire ; un homme très-savunt ; un homme plus savant quun autre; voilà l'adjectif savant \mi, dans cpiatrc acccpitow* diffcrentcs, en conservant toujours la même signification. 11 en serait de même des verbes et des adverbes, selon qu'ils auraient tel ou tel complément, ou qu'ils n'en auraient poinl.

Il parait évidemment, par tout ce qui vient d'être dit , que toutes les espèces d'acceptions dont les mots en général, et les différentes sortes de mots en particulier, peuvent être susceptibles, ne sont que différents aspects de la signification primitive et fondamentale; que cette significa- tion est supposée, mais qu'on en fait abstraction dans l'acception matérielle; qu'elle est choisie entre plusieurs dans les acceptions distinctivcs; qu'elle est déterminée a la simple désignation de la nature commune, dans ['acception spécifique; à celle de tous les individus de l'espèce dans l'ac- ception universelle; a l'indication d'une partie indéfinie des individus de l'cspt^e, dans l'accep- tion particulière; à celle d'un ou de plusieurs de ces individus précisément déterminés, dans l'ac- ception singulière. En un mot, la signification primitive est toujours l'olijct immédiat des di- verses acceptions .

On ne doit pas, dans la suite du même raison- nement, prei.dre un mot dans deux acceptions différentes, ^'acception d'un mol que prononce quelqu'un qui vous parle consiste à entendre ce mot dans le sens de celui qui l'emploie. Si vous l'entendez autrement, c'est une acception diffé- rente. La plupart des disputes ne viennent ([ue de ce que chaque parti prend le même mot dans des acceptions différentes. (Bcauzée et Dumar- sais.)

Accessible. Adj. des deux genres. Il suit tou- jours son subst. Un lieu accessible, un homme accessible.

L'Académie définit ce mot en parlant des lieux et des ixîrsonncs, qui peut être abordé, dont on peut approcher. En parlant des personnes, il si- gnifie qui se laisse approcher par ceux qui dési- rent le voir, lui parler, lui demander (pielque chose, et les reçoit avec politesse et affabilité. Être accessible à tout le inonde, être accessible aux plaintes des malheureux.

Accessit. Subst. m. Mot tiré du latin. Quel- ques grammairiens veulent qu'on écrive des ac- cessits; mais il est ridicule de donner le signe français du pluriel à une troisième personne d'un verbe latin. Vous voulez conserver aux mots tirés du grec toutes les lettres qui marquent leur ori- gine, comme dans abijme, mystère, etc., et ici vous voulez dénaturer un mol latin par un signe français qui le rend méconnaissable. Soyez donc censéquents.

L'Académie, en l'-oS, écrit des accessit , mais elle tolère accessits.

Accessoire. Adj. des deux genres qui suit lou-

m:c

n

jours son subst. Une idée accessoire, un orne- ment accessoire. 11 s'emploie subslantiveim'iit au masculin.

Accessoire se dit, en termes de locique, de loul ce qui, ayant qucUiue liaison avti'le sujet dont il s'agit, n'est cependant poinl csseniiel a ce su- jet. C'est en ce sens (ju'on dit des idtes acces- soires.

En termes de grammaire, on appelle aoessoi- rcs les modificalions dont on accomp.iune le su- jet, l'attribut et le verbe, qui sont regardéscoinine les trois choses essentielles à une proposition Les accessoires snnt des idées (]ui ne sont |ias abso- lumeiil nécessaires au fond de la pensée, muis (lui servent a la développer. Les accessoires i:liiul retranchés, la proposition subsisterait encore.

Le choix des accessoires n'est pas une chose indifférente; car lorsiiu'on fait une iirnposliioii, on compare deux termes, c'est-à-dire le sujet ci l'atlribui; on les considère donc sous le rapport qu'ils ont l'un à l'autre, et l'on ne doit par con- séquent rien ajouter (pii ne contrilme a rendre le rapport plus sensible ou pins développe.

Examinons sous ce point de vue les vei"s sui- vants de Kacinc, tirés du récit de la mort d'Hi{>- polyle ;

Ses supeibes coiir.-iers, qu'on voyait aiilrelois Pleins d'une ardeur si noble obéir à sa voi\; L'œil morne niainlenanl et la tôle baissée. Semblaient se conformer à sa Irisle pensée.

(Rac, Phéd., ad. Y, se. vi, 16.)

La proposition dépouillée de ses accessoires est ses coursiers semblaient se conformer à su pensée ; tout le reste ne consiste que dans des ac- cessoires destinés à la (lévelo|)pcr et à la peindi'e avec les couleurs les plus propres à la présenter de la manière la plus avantageuse, la plus vraie, la i)lus sensible.

Superbes, qu'on roi/ait autrefois, pleins d'une ardeur .ti noble obéir à sa vois. Sont des acces- soires du sujet coursiers. Le poète, en lesrepn'- sentant ainsi , iirépare un contraste qui rendra plus sensible l'état actuel d'aballenienl et de tris- tesse où sont les coursiers. L'œil morne mainte- nant et la tète baissée, nouveaux accessoires du sujet (|ui achèvent le contraste el en reçoivent une teinte jdus forle; el <es accessoires réunis concourent merveilleusement à dcvelo|)per \v rapfxjrt du sujet avec rallriliul, et a présenter l'union de ces parties essentielles de la jiroiwsi- tion avec les couleurs el les reflets les |iliis pro- pres à produire toute rimprrssion (pie le poète avait en vue. Ses coursiers sembtciû se confor- mer (i sa triste pensée, parce (pi'ils ont IWil morne et la tète baissée, attitude d'anlaiil |ilus frappante, <lu'aiilrefois on les voyait toujours su- perbes, et pleins d'une noble ardeur obéir « ta voix de leur maître.

A la place de ces accessoires, inettez-en d'an- tres moins conformes à la nature de la pensée prlncii)alc, et celle pensée perdra sa beauté, son coloris, une grande partie de son expression C'est ce (pii arriverait si l'on disait, .srv coursiers qui conduisirent tant de fois son char it /'« vic- toire dans les jeux de la Grèce, et qui se prépa- rent ù un nouveau triomphe, semblent -ic con- former à sa triste pen.iée. On sent combien ces accessoires seraient déplacés, combien ils se- raient ridicules. Il n'y a aucun rap|Mii l entre des coursiers (|ui semblent se conformer à la tris- tesse de leur inaiire, el ces mêmes coursiers remportant le prix de la course dans les jeux [w-

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ACC

blics, cl se propm-anl à un non venu Iriomplio (le celle nPUirr. (es acccsxnircs soiil, .'iii conir-iiire, oppo-Os .1 l'iilce "uronVc l;i p^olKJ^ilion priiici- pak', cl lie i)L-uvpni pnr cons('i|iii'iit sf-rvir m à 1,1 dévcln|i|inr, ni à rciulrc plus sensible la liaison (lu siijci ;ivec l';illiil)\il.

On;iMi! on niiMlilic le sujet d'une proposilion, il le f;iiil tlmic runsiilcrer rclativonicnl à ce qu'on vcul on aflirnicr; il l'aul ipic les accrssnircs ilitiil on lacrouipaunc conliibucnl a le lier avec l'ul- Irihul.

Ci)inme on cnnsidère le sujet par rapport à l'at-

Iribiil, il fairl cnn^iiicror l';iUribiil par rappori au

sujet; cl luulcs les niodiiiralions ou acci'x.snirc.i

.ajoutes (le part cl d'aulic doivcnl conspirer a les

lier de plus on plus.

Quaui au vei he, il ne peut cire modifié que pru- des finonslamcs, cl il csl évid(>Ml ^juc le elmix des cireuiisi: ii>es ne peut cire déierniiné ipie par le sujet cl l'atiiibul considérés cuscndiic. Tout ce (jui ne liciil pas à l'un cl à l'aulrc csl au moins superllu.

Le va?ue des accessoires conlrihuc bcaurouj) a rendre le discours tout à fait l'roid. J'entends par la li's modiliealions ipii n'apparlienncnl pas plus a la cliose dont on iiaileipra touie autre.

C.ondiilae a donné pour exemple de ce défaut les vers suivants de Boilcau ;

Un galanl de qui tout le métier

Esl <ie courir le jour de quartier en quartier,

Et d'aller, à l'alin d'une perruque tiloiule,

De ses fruide& duuceurs faligu.:r loul 1'} monde.

Condamne la science

(Sal. IV, 11.)

La proposition esl vn galant cnndamne lasriencr, le resle consiste en acces^'ures. Il faudra, dit Condillac, si je veux modifier le sujet do celte proposition, (|ncjc lui donne un caractère ipii ne convieiuie ipi'a lui, et qui même ne lui con- vienne tpie par rapp(jrl a la science qu'il con- damne. Or, vous voyez qu'une partie di'S ticccs- soiies «pic lui donne Boilcau ne convient pas plus a un galant qu'a un homme désoeuvré, cl que tous ensemble ils n'ont que fort peu ou point du loul de rapport à raltrii)ul de la proposition ; aussi CCS vers .sonl-ils bien froids.

Celle criiiipie paraît bien sévère. Les nccrs- ■ioùes dont il csl ipicslion conviennenl ])airaiie- laenl à un iiominc i;alanl; car son métier est d'al- ler de coté et d'autre fatiguer loul le monde tie ses froides douceurs; mais ils ne conviennent pùinl à un lioinme désicuvré, cpii peut l'om bien rester ciicz lui, cl duni le caraclèro n'est jias de iiire à loiU le monde de froides (lom'euis.

Condillac csl plus juste quand il condamne les deux vers suivanis du même auteur :

Et Jon Teu, dépourvu de tens et de lecture, S'éteint à cliaque pas faute de nourriture.

(A, P., 111,318.)

Un feu di'pnurvu de sens et de lecture, qui .^éteint à chaque pas, offre des accessoires bien élrauL'es.

11 l'aul considérer une pensée composée comme un tableau bien l'ail tout esl d'accord. Soil que le iKMiilrc sépare ou groupe les figures, qu'il les éloigne ou les rapproche, il les lie louies par la part qu'elles |iren.^enl à une action principale; il donne à chacune un caractère, mais ce carac- tère n'est développé (pie par les accessoires (pu conviennent aux circonstances. 11 n'est jamais

ACC

occupé d'tme seule figure; il l'est coniiniiclle- mcnl du tableau entier; il fail un ensemble loul est dans une exacte pro[)orli iii.

Condillac donne pour modèle d'une pensée bien (leveliip|«'e par des accessoires, uikî phrase ou Flecliier parle des vertus civiles de ruieune :

J'iiicinic s'rxerç ril aux rcriiis liriles. lin itmiUiaiU d un c('ité les circonslaii" es cc général s'e\er(;aii aux vertus civiles, et de l'auiio h.'S ipialiK's (pi'il apportait a cet exercice, celle pensée se dévclopiiera, cl les paiiies scroiii [)ar- i'aitement li(es; c est ce (pie Mèchiera l'ait.

^."<'»7 alnis que diiiis le doux re/ms d'une con- dition prin-e , ce prince se drpiunlluil de touto tu gloire qu'il arait acquise pendonl lu guerre , et, se renfcriiHinl dans une sncii'lH peu voTn- brcuse de quelques amii choisis, s'euerçuit sans bruit aux vertus ciriles ; srrère dans ses dis- cours, simple dans ses actions, fidèle dans ses auiitifs, exact dans ses di'rnirs, grand même dans les moindres clioses. [Oraison funèbre de 'J'u renne, p. 12'{.)

Souvent les id<-es se développent el se lient par le coiitrasle. C'est ainsi (pie li"Ssuel explique celte pensée ; Cnrlltage fui snumitc à liomc. j-tnirUnil fut hallu, cl l.arlhoge, aulri'fuis 7nai- tresse de tnutf l'Afrique, de la mer Mrdilerra- née et de tout le commerce de l'univers, fat con- trainte de subir le joug que S'ipinn lui imposa. (Disc. SU1- l'Ilist. univers., 3" part., cli. vi, I)ag. 4S4.)

ï.a Bruyère développe ainsi, jiar descfmlraslcs, l'amour (lu peuple pour les nouvelles de guerre;

Le peuple, paisible dans ses fnjers, au milieu des siens, et dans le sein d'une grande ville il n'a rien à craindre ni pour ses biens, ni pour sa rie, respire le feu et le sang, s'occupe de guerre, de ruine, d'embrasement et de massacre, souffre impatiemment que des urinées qui tien- nent la campagne ne viennent pas à se rencon- trer. (Du Siiuvcrain, p. SOU.)

AccEssoir.KMENT. Adv. Il ne se met guère qu'ap"ès le verbe. // ajouta accessoirement bien d'autres choses.

AcninE>T. Subsl m. Terme de grammaire. Les grammairiens entendent par accidents ilne pro- priété qui, à la vérité, est ailachée au mot, mais (pii n'entre j)()iiit dans la déiiniiion essen- tielle du mol; carde cc (pi'uii mot sera |iriinilif ou dérivé, simiile ou coinixisé, il n'en sera pas moins un terme ayant une signilication. Voici (pielssont ces accidenls :

i" Toute diction ou mot peut avoir un sens pro])re ou un sens figuré. Un iin't c>l au propre (piaiid il signifie ce pour (pioi il acte premièrc- mcnl établi; le mol /t'o/i a été d'alujrd destiné à signifier cet animal (pi'on appelle lion : je viens de ta foire, j'y ai vu un beau lion ; Imn est pris dans le sens propre; mais si en parlant d'un homme emporté je dis «pic c'est un ILm, lion esl alors danî un sens ligure, ihiaiid, par coiMparaison ou i»ar analogie, un mol se [ircnd eu ipiclqiiescns autre (|ue celui de sa première dcstuiatioii, cet accident peut é'.re appelé racceplK-tu du mot.

2" On peut observer si un mol est primitif, ou s'il esl dérivé.

Un mol est primitif lorsqu'il n'est tire d'aucun autre mot de la langue dans laipielle II csl en usage. Ainsi en français, ciel, roi, bon, sont des mois primitifs.

In mol est dérivé lorsqu'il csl tiré de quel- que autre mol comme de sa source . ainsi céleste, royal, royaume, royauté, royalement, bonté.

ACC

bonnement, sonl nuinnl de dérives. Cet accident est appelé |i;ir les çr;imm;iirieiis l'espèce du mot; ils di^eiu iin'uii mul est de l'espèce piimiiivcou de l'esi'ùcc dt'iivée.

3" On p<Mii observer si un mot est simple ou s'il est coMipiisé juste, j'usticr, sont tirs mois simples; injuAtc, injustice, sont eoinposés. Cet accident d'èli'e simiile mi d'être comiMise, a élé ap|)cle |>;ir li-s Miu'ieiis çr.iiiiin.iiriciis /// figure. Ils disent iin'iiii inol esl de l;i llirme s iniile, un ipi'il est delà li::iiieeumi»)>ée; en sorte i\\\c jiijuio vient ici de fitijvrr, et se preml i>onr la T-rme ou conslitu'it;! d'un mut qui |peut être ou siniiilc ou compose*.

Vn autre arcidrut des mots reçarile la pro- nonciali.m sur ijuoi il faut distinguer l'acet-nt, qui est une éli-valiun ou un aliaissi-ineul de la voix, toujours invariahic dans le uiènie n\ol ; et le ton cl l'euipliase, i|ui stjut des lulliîxions de voix qui varient selnu les diver-es passions et les différentes iire<iuslani;es; un ton lier, union in- solent, un Ion pileux, cle.

Yoiià quatre soiles iVaccidenls qui se trou- vent en l(juies Sortes deinttls; mais déplus, elia- que sorio parlieuiiérc de mots a ses accidents qui lui sonl prupes ; ainsi le sui)Stantir a encore pour accidi- ni le ueiire, qui esl masculin ou fé- minin; le iiuui'.ire, qui e>l singulier ou pluriel.

L'adjc.lir a un uccidcnt de plus, qui esl la COm|)ardison : savant, plus savant, très-savant.

Les pronoms oui les inéiaes accidents que les noms.

A l'égard «'es verbes, ils ont aussi par accident l'accepûon qui est ou pro|ircou ligurce : cevieii- lardmurche d'un pas ferme; marrlie est au pro- pre : celui qui me suit ne marche point dans les ténèbres, K\\i Jesus-(Jni>l ; ici suit et vutrche sont pris dans un sens ligure, e'esl-à-dirc que celui qui pratique les maximes de l'Evangile a une bonne comluite, et n'a pas besoin de se ca- cher; il ne luil point la lumière, il vil sanscrainle et sans remords.

2" L'espèce esl aussi un accident des verbes; ils sonl ou primilils, connue parler, buire, sau- ter, trembler: ou dérives, connue parlementer, buvoter, sntitiller, trembloter, dette espèce de verbes dt-rivès en renlerine [ilusieurs autres, tels sonl les inclioatii's, les rrèipîenlalil's, les augmen- tatifs, lesdiminulirs, les imlatifs, les dèsidératifs.

3" Les vcri)i's ont ans i la ligure, c'esi-à-dirc qtl'ilssont siuq'Ies, connue tc//t/-, tenir, faire; ou composés, cuminc prévenir, convenir, re- faire, etc.

4" La voix ou forme du verlie est de trois sor- tes: la voix ou forme aclive, la voix passive, cl la forme neutre.

Les verbes de- la voix active sont ceux dont les Icrmmaisoiis expriment une action <]ui passe de l'agent au patient, c'esi-a-ilirc de celui <pii l'ait l'action sur celui ipii la reçoit . Pierre bat Paul; bat esl un veriie de la l'orme aclive; Pierre esl l'agent, Paul esl le palienl, ou le terme de l'ac- tion de l'icrre. Dieu conserve ses créatures ; oonsene ay un verbe de la forme aclive.

Le verbe esl à la voix passive, lorsqu'il signillc que le suji'l de la jM-oposilion esl le |)alicnl, c esl- a-dirc qu'il est le terme de l'action ou du senii- ment d'un autre : les mécliants sont punis, vous serez pris par les ennemis; sont punis, serez pris, sont de la l'orme piissivc.

Le verbe est de la lonne neutre, lorsqu'il si- gnifie une action ou un étal qui ne passe point du sujet de la proposition sur aucun autre objet

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infi^rieur, comme it pâlit, il engraisse, il ^nni- grit, Timis courons, il badine toujours, il nt, vous rujeonisse:, elc.

5 1e mode, c'esl-à-dire les différcnles maniè- res .rexpruner ce ipie le verbi' siirutlie, ou par l'indii-aiif i|ui esl le mode dneri ei a'.is.ibi, ou par l'impéralif, ou [lar le subjonclil', ou cnlin'par rinliniiif.

G' le sixième accident des verbes, e'esl de marquer le Icmp-; par des terminaisons pariicu- lièrcs j''aime, j'aimais, j'ai aimé, j'avais aimé, j'aimerai.

1" Le septième accident est de marquer les pei-sounes grammalicales, e'esl-àilirt,' les per- sonnes, rel.niveuienl à l'ordre qu'elli-s l:ennenl dans la formation du discouis; cl, en re sens, il esl (A ideni qu'il n'y a que trois personnes

la première esl celle qui fait le «liscoins, c'csl- à-dire celle qui jiaile : j'c chante ; je esl la [ne- mière p(M'sohne, et chante esl le verbe à la pre- m'ère personne, parce (juil est dit de celle pre- mière personne.

La secoiiile personne esl celle à qui le discours s'ailresse : tu chaules, vous chantez ; c'est la [tcr- sonne à qui l'on pai-Ie.

Lnliu lorsque la personne ou la cliose dont on parle n'est ni à h preni ère, ni à la sci'omle |ier- sonne, alors le verbe est dit étrea la iroisième |)er- soime : Pierre écrit ; écrit c<~{ à la troisième per- sonne» : le soleil luit; luit Ost à la iroisième per- sonne du présent de l'iiulicalif du verbe luire.

S" Le liiiitième accident du verbe est la con- jugaison. La conjugaison esl une dislriliuiion ou lisïe de toutes les parties et de loues les in- llcxions du verbe, selon une cerlaine analugie.

JNos grammairiens comp;enl tiuatrc conjugai- sons de nos verbes français.

1 Les verbes de la première conjugaison ont riniinilif en er .-donner.

2 Ceux de la seconde ont l'inlinilif en ir : pu- nir.

3" Ceux de la troisième ont l'inlinilif en oir : devoir.

4" Ceux <lc la quatrième ont l'infinilif en re, dre, tre : fiire, rendre, mettre

5' Lulin le .lernier «cci(/</(< des verbes est l'a- nalogie ou l'anomalie , c'est-à-dire d'être régu- liers'cl tic suivre l'analogie tie leur paratliguic, ou bien tIe s'en écarter, cl alors on du ipiilbsonl irrèL'iibers ou anomaux.

(,)ue s'il arrive iju'ils mani]uenl de queliiue moile , lit; tpieltpie temps im de (pieliiue per- sonne, on les aiipelle dcfeclifs.

A l'eganl des prépositions, elles sonl loiiles piimitiM's ou sini|ili'S, ii, de, dans, arec, cle.

La préposition ne lait ipi'ajouier une circoii- slauce ou manière au mol ipii preccile, et elle est toujours considérée sous le même point de vue ; c'est itjiijours la même manièri! tiu cu'ctmslaiice ipi'elle exprime : il est dans; ipie ce soii tians l.i vdie, ini dans la maison, ou tlans le c..rire. ce sera toiijoiu-s être dans. Voila pounpioi les |iro- jiosiiitins stinl invariables.

Mais il faul observer qu'il y a des priq)osilions séparables, telles ipie dans, sur, arec, cle ; et ilautres ipii sont appelées inséparables, parijc qu'elles enirenl tlans la coinposilitni tics mois, de façon tpj 'elles n'en peuveiii être sèpart-cs sans cbam-'er la si^'nilicalioii parlieuiiérc tlii n.ol ; par exemple, tlans refaire, surfaire, défaire, contre- faire, les mots re. sur, dé, contre, sont des pré- positions inséparables.

A l'éïard de l'adverbe, c'est un mot qu», daw

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sa valeur, vaut autant qu'une proposilion el son coinplénionl ; innsi, prudemment, c'est avec pru- dence; Sdffcmc/it, avec SixsG^'iC, etc.

11 y a trois uccidcnts à rcnianpier dans les ad- verbes. Ces trois accidents sunt :

L'espèce, qui est ou primitive ou dériva- livc : /ci, /(/, ailleurs, '/uanJ, alors, hier, etc., sont des advcrl)cs de l'espèce primitive, parci; qu'ils ne viennent d'aucun autre mot de la lan- gue; au lieu i\\\C justement, senst'mcnt, poli- ment, ahsnlumciit, tellement, etc., sont de l'es- pèce dcri.-alivc; ils viennent des noms adjictifs, *uste, scnsr, poli, absolu, tel, etc.

2" la ligure, t^'est d'èlrc simple ou comi)osé. Les adverbes sont delà ligure simple, quand au- cun autre mol, ni aucune |)rc|)i)sition insépara- ble n'entre dans leur composition. Wn&i j'uste- ment, lors, jamais, sont des adverbes de la ligure simple. Mais injustement, alors, aujourd'hui, sont de la ligure composée.

3" la comparaison est le troisième accident des adverbes. Le.; adverbes (pii viennent des noms de qualité se comparent ■.justement, /^h^r justement ; très ou fort justement, le plus ju.?- tement ; bien, mieux ; mal, pis, le pis ; plus îiial, très-mal, fort mal, etc.

A l'égard de la conjonction, c'est-à-dire de ces petits mots qui servent à exprimer la liaison que l'esprit met entre des mots et des mots, ou entre des phrases et des phrases, outre leur significa- tion particulière, il y a encore leur ligure et leur position.

Quant à la figure , il y en a de simples, comme et, au, mais, car, si, etc.

Il y en a beaucoup de composées : et si, mais »i;eimômeil yen a ([ui sont composées de noms ou de verbes, par cxem|)le, à moins que, de sorte Que, bien oilendu que, pourvu que.

1" Pour ce qui est de leur position, c'est-à-dire de l'ordre, du rang que les conjonctions doivent tenir dans le discours, il faut observer qu'il n'y en a point qui ne suppose au moins un sens pré- cédent; car ce qui joint doit être entre deux ter- mes; mais ce sens peut quelquel'ois être trans- porté, ce (lui arrive avec la coiulitionnelie si, qui peut fort bien commencer un discours : si vous êtes utile à la société, elle pourvoira à vos be- soins. Ces lieux phrases soûl liées par la conjonc- tion si; c'est comme s'il y avait la société pour- voira à vos besoins, si vous lui êtes utile. Mais vous ne sauriez commencer un discours par 7nais, et, or, donc, clc. C'est le plus ou moins de liaison qu'il y a eiilre la phrase qui suit une conjonction et celle cpii la précède qui doit servir de règle pour la iioncluation.

A l'égard des interjections, elles ne servent qu'à manpicr des mouvements subits de l'âme. Il y a autant de sortes d'inlerjeclions (]u'il y a de passions diiïérentes. ..\insi il yen a pour la tris- tesse et la compassion, hélas ! ah! jiour la dou- leur, aï, aïe, ha! pour l'aversion et le dcgoùl, fi.. Les inlerjcclions ne servent (ju'a ce seul usage, et, n'étant jamais considérées que sous la même l'ace, ne sont sujettes à ftcun autre accident. On peut seulement observer qu'il y a des noms, des ver- bes et des adverbes, qui, étant prononcés dans certains mouvements de passion, ont la force de rinterjection : courage, allons, bon Dieu, voyez, marche, tout beau, paix, etc. C'est le ton plutôt que le mol qui fait alors l'interjection. (Dumar- sais.)

Beauzée a fait sur cet article de M. Dumarsais la remarque suivante :

ACC

M. Dumarsais avance que les prépositions .sont toutes primitives et simples; c'est une crreurévi- dcnle. Concernant, durant, joignant,7noyennant, pendant, suivant, touchant, sont originairemenl tics gérondifs : concernant de concerner, durant de durer ; joignant àc joindre ; moyennant de moyenner ; pendant de pendre, pris dans le sens <lo durer ou de nôtre pas terminé, comme ijuand on i\il un procès pendant au parlement ; suivant, pris du verbe suirre, dans le sens d'i-tJir, comme (piand on d'il je suivr-aivos ordres; touchant, du verbe toucher. Attendu, excrpLé, vu, sont, dans l'origine, des supins des verbes attendre, excepter, voir. \'oilà donc des prépositions iléri- vécs; en voici de composées : attenant, tenant à, dcff^f et détenir; hormis, i\\n s'écrivait il n'y a pas longlein|!S horsmi, est composé de la prépo- sition simple hors, et du supin mis du verbe rnettre; inulgré vient de mal pour mauvais, el de gré; nonubslant des deux mots latins non ob- stans. Chacune de ces prépositions n'est (lu'un mot, mais ce mot résulte de l'union de plusieurs va-Ara >n.

Accidentel, Accidemelle. Adj. qui suit tou- jours son subst. Une circonstance accidentelle.

.\CCIDEMELLEMENT. Adv. Oo pCUl Ic mCttrC

entre l'auxiliaire et le participe. Il n'est qu'ace '- denlcllement impliqué dans cette affaire.

* AccLAMATEUR. Subst. ui. CcluI (jui concoui'l à des acclamaiions. Lorsque Néron jouait de la lyre sur le théâtre, il avait pour premiers accla- mateurs Sénèqtie et Burrhus. L'Académie n'a point recueilli ce mot, dont plusieurs bons au- teurs se sont servis. Il n'a point de féminin; rien n'empêcherait de dira accïamutrice .

AccoM.MODAiiLE. Adj. dcs deux genres. 11 suit toujours son subst. Une affaire accommodable, une querelle accommodable .

Accommodant, Accommodante. Adj. verbal lire du v. accommoder . 11 suit toujours son subst. Un homme accommodant, une femme accommo- dante.

.\CCOMPAGNATEUR, ACCOMPAGNEMENT, ACCOjMPA-

GNEB. Dans ces irois mots on mouille gn.

Accomplissement. Subst. m. Ce mol n'a point de [ibiriel.

Acconi). Subst. m. On dit en termes de musi- ([ue, qu'un instrument ne tient pas l'accord, ([ue les cordes d'un instrument ne tiennent pas l'ac- cord; eu ce sens, accord ne prend point le plu- riel. Il le prend (juand il signifie l'union de plu- sieurs sons eiUemius a lii fois, formant ensemble une harmonie entière. Utic suite d'accords agréa- bles. Accord s'emi)loic dans le sens d'arrange- ment, de conciliation, de conformité d'opinions, de volontés. Corneille a dit dans le Menteur : 3Ion ufl'aire est d'accord (act. lU, se. i"^, 17); el VoUaire, en condamnant cette expression, a remarqué que les hommes sont d'accord, el que les affaires sont accordées, terminées, accom- modées, finie.St {Remarques sur Corneille.)

En ce sens, ce mot n'a point de pluriel. On ne dit point les accords qui régnent entre eux; mais l'accord qui règne entre eux ; on ilit cet hommes sont d'accord, et non pas sont d'accords.

ylccord. Terme de grammaire. C'est la confor- iiMté ou ressemblance qui doit se trouver dans la même proit-Asilion ou dans la même énonciation, entre ce que les grammairiens appellent les acci- dents des mois, tels que le genre, le nombre et la personne; c'est-à-dire que si un substantif el un adjectif font un sens partiel dans une proposilion, et qu'ils concourent a l'ormcr le sens tolal de cette

ACC

proposition, ils doivent êlrc au même genre et au même nombre ; c'est ce qu'on appelle unifor- mité d'accidents, concordance ou accord.

On distingue dans la grammaire française Vac- cord de l'adjectif avec son substantif, Vaccord du verbe avec son sujel. Dans vn homme actif, je remarque que les adjectifs un et actif [loricnl la marque du masculin et du sinçul'er, parce que le substantif /lom me, qu'ils modilîent, est au mas- culin et au singulier; dans des femmes actives, des, ou plutôt les, qui entrent dans la com|)osi- tion de ce mot, et actives, sont dcuxmodificatifs ou adjectifs, qui portent la marque du féminin et du pluriel, parce que le substantif /"cmmc*, qu'ils modifient, csi au féminin et au pluriel. Je dis que les deux adjectifs jwrtent la marque du féminin, parce que les se dit également jwur les deux genres. Voyez .Idjectif.

Cet accord de l'adjectif avec son substantif marque le rapport d'identité qui est entre eux. Il est évident que l'adjectif n'est au fond que le substantif même considéré avec la qualité que l'adjectif énonce; ainsi l'adjectif doit énoncer les mêmes accidents de grammaire que le substan- tif a énoncés d'abord, c'est-à-dire que si le sub- stantif est au singulier, l'adjectif doit être au sin- gulier, puisqu'ils ne sont que le substantif même considéré sous telle ou telle vue de l'esprit. Il en est de même du genre.

I.e verbe n'est aussi que le substantif consi- déré avec la manière d'être que ce verbe attribue au substantif. 11 doit donc être au môme nombre et à la même personne que le substantif.

Nous dirons au mot Adjectif \.o\x\. ce qu'il est nécessaire de savoir sur l'accora de l'adjectif avec son substantif; nous allons parler de Vaccord du verbe avec scn sujet.

La règle gonérale est que le verbe doit être au même nombre et à la même personne que son su- jet ; Un homme dit; des hovimes disent; tu dis ; nous disons. Mais celte régie, comme celle de l'accord de 1 adjectif avec son substantif, donne lieu à plusieurs observations.

Un verbe se met souvent au pluriel, quoiqu'il ait pour sujet un nom collectif singulier: Une in- finité dépens pensent ainsi; la plupart se lais- sent emporter à la coutume. Alors le verbe se met en concordance avec la pluralité essentielle- ment comprise dans le nom collectif. Mais si le nom collectif est déterminé par un nom singu- lier, alors le verbe se met au singulier. La plu- part du monde ne se soucie pas de l'intention ni de la diligence des auteurs. (Rac, Préface des Plaideurs.)

Souvent le verbe se trouve employé au singu- lier, quoicjue la proposition semble renfermer plusieurs sujets singuliers. Analysons quelques exemples de celte nature, et établissons des rè- gles précises.

Voltaire a dit : La douceur et la mollesse de la langue italienne s'est insinuée dans le génie des auteurs italiens. {Essai sur la poésie épique, chup. I.) Quoique le sujet soit ici composé de deux mots, l'idée n'en est pas moins une, parce que la douceur et la mollesse d'une langue sont deux qualités tellement analogues et inséparables , qu'elles n'en forment qu'une seule. Le sujet, quoi- que composé dans l'expression, est simple dans la pensée; et le verbe mis au singulier, loin d'avoir rien de choquant, satisfait l'esprit, parce qu il s'accorde avec la forme de l'idée qui l'occupe. Le même auteur dit : L'homme et ta femme est chose bien fragile. Les mêmes raisons établissent

ACC

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la régularité de cette énonciation. L'homme et la femme, divisis p;ir les mots, sont ixMiiiis par la pensée ; on ne les considère que comme une seule es|)éce,qne comme une seule chose; ils ne for- ment qu'une seule idée, l'esiMice humaine. Le su- jet, (juoique multiple dans l'expression, est un dans la pensée ; et le verbe au sin;:\ilicr parait élégant, parce qu'il est en concordaïuc avec cette unité. Massillon était guidé par les uiéuies prin- cipes lorsqu'il a dit ; La politesse et VuHhbilité est Za seule distinction qu'ils affectent [Sur l'hu- manité des grands, t. 1, p. ;)78.) La p'iitessc et l'affabilité sont considérées connue une seule chose, comme une distinction ; le sens est : il$ n'affectent qu'une seule distinction, cl cette dis- tinction est composée de la politesse et de l'affa- bilité.

Etablissons donc pour règle que, loi'squc le sujet est composé de plusieurs substantifs expri- mant des idées partielles qui n'en font qu'une par leur nature, ou qui sont présentées dans la pro- position comme n'en faisant (ju'une, Vaccord se fait avec l'idée >imple qui est dans Tf^sprit, plu- tôt qu'avec les idées partielles qui sont dans les mots.

Quelques grammairiens, observateurs plus at- tentifs des mots ([uc des pensées, ont trouvé de l'irrégularité dans les phrases suivantes :

Une pâleur de défaillance, une sueur froide se répand sur tous ses membres. (Fénelon.)

La gloire et la prospérité des méchants CSt courte- (Le même.)

Chaqtie état et chaque âge a ses devoirs. (J.-J. Rousseau.)

Soit dans le tragique, soit dans le comique, le tutoiement sera toujours décent de l'amant à la maîtresse, lorsque l'innocence, la simplicité , la franchise des mœurs l'aulorii-era (Marmoutel, Eléments de littérature, ari. Tutoiement.)

Mais ils n'ont pas remarqué que dans ces fa- çons de s'exprimer, il y a réellement autant de propositionsqu'ily a de sujets.et que le verbe au singulier, en réunissant toutes ces propositions en une seule, se présente comme pouvant être répété et dit séparément de chaque sujet. Dans U7ie pâleur de défaillance, une sueur froide se répand sur tous ses membres, il y a évidemment deux propositions distinctes; cir une pâleur de défaillance ne se répand pas sur tous les mem- bres de la même manière qu'une sueur froide. Il y a deux actions différentes, deux sujets diffé- rents, et par conséquent deux proiiosil ions diffé- rentes. C'est une pâleur de défaillance se ré- pand, etc., et une sueur froide se répand, etc. Le singulier est mis pour l'un et pour l'autre; i! indique qu'il s'accorde distrihutivemcnt avec l'un et avec l'autre sujet, et non avec les deux ensemble. Dans la gloire et la prospérité des méchants est courte, c'est absolument la même chose. Le terme de la gloire n'est pas le même que celui de la prospérité; chacune est courte à sa manière, chacune est le sujet d'une proposi- tion qui est réellement différente, (pioiqu'ellcsoit exprimée dans les mêmes termc-s.

Certainement on s'exprimerait mal en disant Chaque état et cJmque âge ont leurs devoirs. parce que l'on confondrait les devoirs aes états avec ceux des âiies. Leurs au pluriel mdiquc plusieurs choses qui appartiennent a plusieurs. Il faut donc dire, chaque âge et chaque état a ses devoirs (J.-J. UoLss., Emile), ce qui signiDe chaque âge a ses devoirs et chaque état a sesdj- voirs, et forme deux propositions distinctes dtno

li

ACC

le verbe commun, étant au- singulier, se rapporte, sous celle forme, à l'une ou à l'autre.

Une preuve évidente que l'exemple tiré de Marmnnicl est régulier avec la forme du singu- lier, c'est qu'avec celle forme il exprime une idée particulière, et qu'avec celle du ]iltiriel il en ex- primerait une autre. Le tutoiement sera toujours décent de Vamantù la viakresse, lorsque l'inno- cence,la simplicité, la franchise des mœurs lau- loriscra, c'csi-â-dire lorsqu'il sera autorisé ou par l'innocence, ou par la siniplieité, ou par la fran- chise des mœurs. Une seule de ces trois choses suflira pour rendre le tutoiement décent. Substi- tuez le pluriel au singulier, mettez avtoriseront au lieu ^autorisera, et cela signifiera que le tu- toiement ne sera décent cpic lorsqu'il sera auto- risé par ces trois choses réunies, l'innocence, la simplicité et la franchise des mœurs. Or, deux manières de s'exprimer sont bonnes, lorsqu'elles expriment deux vues différentes de l'esprit.

Etablissons donc pour règle que dans les pro- positions où il y a plusieurs sujets, le verbe doit être mis au singulier lorsque le sens indi(iuc que ce verbe doit cïrc répété pour former aulant de propositions qu'il y a de sujets; ou lorsque celui qui écrit ou qui parle n'a intention de lier le verbe qu'à lunou à l'autre des sujets, et non à tous les sujets ensemble.

Mais vous ne direz pas comme La Bruyère, le bien et le mal est en ses mains, parce que le bieii et le mal ne forment pas chacun un sujet singu- lier du même verbe, et qui exige la répétition de ce verbe; mais qu'ils forment tous deux un su- jet commun, qui convient au verbe d'une ma- nière uniforme, qui régit ce verbe au pluriel, parce qu'il est composé de deux sul)slantifs.

La grandeur et la simplicité de cette idée éle- vèrent mon âme, et non pas élcra, comme a dit Thomas {Eloge de Marc Avrèlc, tom. I, p. 563), parce que la grandeur et la simplicité concou- rent à la même action, et conviennent au verbe de la même manière.

On m'objectera sans doute que toute proposi- tion qui a plusieurs sujets peut être décomposée en aulant de propositions qu'elle a de sujets. Par exemple, dans la raison et la vertu conduisent au bonheur, il y a réellement deux propositions : la raison conduit au bonheur, et la vertu con- duit au bonheur. Or, dira-l-on, si l'on doit mettre le verbe au singulier toutes les fois que cette dé- composition peut avoir lieu, il faudra mettre au singulier tous les verbes de ces jyroposilions, et la règle générale sera détruite.

Je réponds à cela que, quand je dis que le verbe doit être mis au singulier toutes les fois que la phrase qui a plusieurs sujets comprend plusieurs propositions, je ne parle que des pro- positions différcnlcs, et dont l'altribut ne con- vient pas au sujet de la même manière. Dans lu phrase qu'on vient de donner pour exemple, l'at- tribut conduit au bonheur, convient de la même manière à chatiue ^ujei ; la raison conduit au bonheur, la vertu conduit au bonheur; c'est l'homme qui est également conduit au bonheur par la raison et par la vertu ; et il n'y a pomt de différence entre ces deux propositions prises cn- seiTiblc, cl la proposition composée qui les réunit.

Mais (juand je dis chaque état et chaque âge a ses devoirs, l'altribut ne convient pas a cha<iue sujet de la même manière; car les devoire decha-

Se étal ne sont pas les devoirs de ciiaque <nge. tte différence reste sensible dans la phrase pro- posée, chaque état et chaque âge a sas devoirs ;

ACC

elle disparaîtrait si l'on iWsa'û chaque état et cha* que âge ont leurs devoirs, et les idées seraient confondues, (l'est à celle dilférence, qui résulte de la nature des idées, qu'on reconnaîtra (|ue le verbe doit être mis au singulier; et cette forme du verbe, qui rendra la proposition elliptique, an- noncera (pi'elle comprend i)lusieurs proiwsitions d'une nature différente, cl (jue le verbe est .sous- cnleiidu aulant de fois qu'il y a de sujets dans la phrase.

Au contraire, dans l'exemple que je me suis proposé, la proposition est pleine; car elle com- prend explicitement tous les mots nécessaires à l'expression analytique de la pensée; et si elle peui être déconqîosée en deux i)roposilions jwr- tielles, c'est une simple opération logique, mais non une dislinelion grammaticale fondée sur des rapports différents. .\insi,deux circonstances au- torisent à mettre au singulier un verbe qui a plu- sieurs sujets : la ressemblance de ces sujets, comme dans la douceur et la mollesse de la langue italienne s'est insinuée dans le génie des auteurs italiens; 2" la différence de ces sujets par rap- port a l'attiibut de la proposition, comme dans chaque état et chaque âge a ses devoirs.

Les grammairiens disent que dans le cas l'un des deux substantifs sujets serait au plu- riel, on ne pourrait employer que le pluriel. Cependant Racine a dit dans Mithridate (act. V, se. IV, dul] :

Quel nouveau trouble excite en mes esprits

Le sang du père, ô ciel, et les larmes du fils !

et si l'on voulait trouver une irrégularité dans ces vers, j'ajouterais qu'après plusieurs substan- tifs sujets, dont les uns sont pluriels et le der- nier singulier, on met ordinairement le verbe au singulier. C'est ainsi que l'on dit, non-seulement tousses honneurs ettoutes sesrichesses,mais toute sa vertu, s'évanouit (Beauzée),et non pas s'éva- nouirent. C'est qu'ici il y a plusieurs sujets qui, ne convenant pas tous à l'attribut de la même manière, doivent y être joints chacun à part; ce qu'annonce le verbe au singulier, qui rend la pro- position elliptique, et marque que, pour la ren- dre pleine, il faut qu'il soit répété aulant de fois qu'il y a de sujets, et avec des formes analogues à chacun d'eux ; et je dis que le verbe au singu- lier marque la nécessité de celle répétition, parce que, par sa forme singulière, il ne peut pas con- venir à tous les sujets ; parce que, par cette niême forme, il ne pourrait convenir (ju'à un seul, et qu'il faut {«r conséquent le regarder comme une expression elliptique qui équivaut à trois expres- sions semblables, sous les formes déterminées per les accidents de chaque sujet; c'csl-à-dire que celle phrase a la force de ces trois propositions: tous ses honneurs s'évanouirent, toutes ses n~ chesses si' évanouirent, toute sa vertu s'évanouit.

On dit vous et moi nous sommes contents de notre sort; parce que, qiioiq\ie vous soit de la seconde [)ers(3nne, il devient réellement pronom de ia première, lorsque ave<: nn pronom de la pre- mière il concourt à former le sujet total de la pro- |)Osilion, et ()ue ces deux pronoms sont confon- dus dans l'expression nous. C'est par une raison semblable qu'on dit vous et lici savez la chose.

Par une conséquence des règles que nous ve- nons d'établir, la forme du singulier ou celle du pluriel doit être préférée pour les verbes qui c-it plusieurs sujets liés par la conjonction ô«,- "it

ACC

voici, à cet égard, les observations qui doivent servir de guide.

S'il n'y a qu'un des sujets qui puisse avoir fait l'action, l'attribut ne peut olrc dit que d'un de ces sujets, et non de tous les sujets ensemble; il faut donc employer le singulier. Ainsi les phrases sui- vantes sont régulières : C'est Cicéron ou Diimos- thènes qui a dit cela ; c'est le soleil ou la terre qui tourne. C'est comme si l'on disait : c'est Cicé- ron qui a dit cela, ou c'est Démosthènes qui a dit cela; c'est le soleil qui tourne, ou c'est lu terre qui tourne. L'allcrnalive est également marquée dans les deux propositions séparées ou réunies.

Si les deux sujets peuvent concourir ensemble à l'action, il n'en l'nut pas moins employer le sin- gulier, parce (pie la conjonction ou indique sépa- rément l'action de l'un ou de l'autre, et que, pur le moyen de cette conjonction, la simultanéité de l'action n'est plus comprise comme possible dans le sens de la phrase : Son père et sa mère peu- vent obtenir cela de lui. La simultanéité d'ac- tion est comprise dans le sens de la phrase, et indiquée par la conjonction et. Mais je ne peux pas dire, ce sera son père ou sa mère qui obtien- dront cela de lui, parce que la conjonction ou in- dique qu'ils n'obtiendront pas ensemble, mais que ce sera l'un ou l'autre qui obtiendra. Il faut donc mettre le singulier. 11 faut, par la même raison, dire comme Massillon, notre perte ou notre salut n'est plus une affaire qui vous inté- resse [Ecueils de la Piété, 1. 1, p. 51)4) ; comme Bossuet, en quelque endroit du monde que la cor- ruption ou le hasard les jette {Oraison fun. de la ducli. d'Orléans, p. 77) ; et comme Fénclon, en quelque endroit des terres inconnues que la tempête ou la colère de quelque dii-initél'ai\jeté. {Télém., liv. IX, 1. 1, p 321.) Il faut dire aussi, peut-être qu'un jour, ou la honte, ou l'occasion, ou l'exemple, Zeur donnera un meilleur aris, et non passeur don ?iero-nt, comme \c veut Vaugelas; car le verbe i.e peut se rapporter ici qu'à l'un ou à l'autre des sujets, et non à tous les sujets en- semble.

Si les deux sujets sont supposés avoir opéré de la même manière, à part et dans des temps diffé- rents et indéterminés, le verbe doit être mis au pluriel. Ainsi Massillon a dit, le bonheur ou la témérité ont pu faire des héros. {Triomphe de la Religion, t. 1, p. GU7.) Ainsi l'on pourra dire d'a- près cet orateur, l'amour ou l'ambition on\. pro- duit de grandes actions.

Lorsque plusieurs sujets concourent tour à tour, ou dans différentes circonstances, à produire une action habituelle, il faut mettre le verbe au pluriel ; car l'action habituelle , considérée comme telle, a réellement les deux sujets pour cause. Buffon a dit en parlant de la souris, tapeur ou le besoin font tous ses mouvements; c'est-a-dire tous les mouvements de la souris ont pour cause tan- tôt la peur, tantôt le besoin. (Tom. XIll, p. 211).) J.-J. Eoussciiu a dit aussi, le temps ou la mort sont nos remèdes ; c'est-a-dire, nos remèdes sont composés du temps et de la mort, et nous pouvons éprouver ou choisir l'un ou l'autre.

Dans le cas, disent les grammairiens, des deux noms sujets, l'un e^t au singulier et l'autre au pluriel, c'est le nombre du dernier qui règle l'accord. Le crcdit que cette place donne, ou les émoluments qui y sont attachés la lui font re- chercher ; ou, les émoluments qui sont attachés à cette place, ou le crédit qu'elle donne, la lui fait rechercher.

Je ne sais si celte règle est bien exacte; mais

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S! j avais a choisir euuo les deux phrases, je pré- férerais la dernière, le verbe est au sini;ulier parce (jue le verbe ne \\c\x\. se rapporter qu'a l'un ou a l'autre des sujets, rt (pic lo pluriel, ni r,,r- maiit une proiiosilioii pleine, s.Miiblf le rapporter a tous les deux ensemble, le sin:;uUiT, au i-on- traire, ne rapiwrtanl le verbe «pi'a un sujpi, in- dique une propusilion elliptique (pie ^e^pril c>l obligé de remiilir; et le rapi)ort de cIkkiuc sujet est distingué.

On dit c'est toi ou. moi qui avons fait ccUi, parce que 77<otne |)eut régir que la i)remicre per- sonne, et que, joint à un autre pronum ou a un nom substantif, il forme un nom pluriel. On dit par la même raison, c'est lui ou min r/wcavons fait cela. 11 en est de même de toi, (pii ivgil n.Tcss'ii- rement la seconde [jcrstume; et l'on dit c'est lui ou toi qui avez fait cela. Dans ces cas, c'est tou- Joui-s le pronom de la iKTsonne ([ue les grammai- riens appellent la [)lus noble (jui précède le verbe et en détermine la forme. Or, selon les grammai- riens, la première personne est plus nubfe (]ue la seconde, et la seconde ([ue la troisième. Ainsi l'on ne pourrait pas dire, c'est moi ou lui qui avons fait cela; c'est toi ou lui qui avez fait cela.

Quelquefois certains mots, tels que chacun, personne, nul, rien, tuut, réunissent tous les su- jets en un seul; alors le verbe se met au singu- lier : Lois, police, discipline militaire, marine, commerce, manufactures, sciences, beuux-urts, tout s'est perfectionné. (\'oIlaire.) Les hommes, les femmes, /es enfants, chacun cherchait son salut dans la fuite, f^ieillurds, femmes, enfants, nul n'échappa au carnage, etc. Dans toutes ces phrases il y a ellipse, et il faudrait, pour les ren- dre pleines, ou répéter le verbe avec les formes convenables à («haque sujet, ou siqiprimcr le mot qui réunit tous les sujets, et employer le pluriel.

Une proposition suit toujours sa marche natu- relle, et s'accorde seulement avec son sujet, quoi- qu'il y ait entre ce sujet et l'attribut une phrase incidente qui établit quelipie comparaison ou res- semblance entre la proposition et l'idée exprimée par celte phrase incidente : L'histoire, ainsi que la physique, «'a commencé à se débrouiller que vers la fin du seizième siècle. ^A oltaire, /C.tsai sur les mœurs, chap. viii.) La vertu, de même que le savoir, a son prix. L'envie, ainsi que les autres passions, est peu compatible avec le bon- heur. La force de l'ume, comme celle du corps, csl le fruit de la tempérance. (.Marmonlel.)

On demande si après l'un et l'autre en doit mettre le verbe au singulier ou au pluriel, et dire, par exemple, l'un et l'autre est bon, eu l'vn et l'autre sont bons; l'un et l'autre ///e gêne, ou l'un et l'autre me gênent, etc.

Il sera aisé d'êclaircir celte questi(3n par les lirincipes que nous avons posés. S'il s'agit dans chiiquc sujet d'un état ou d'une a( tioii dil'fé- ronle, c'est le singulier qu'il faut employer; s'il s'agit du même état ou de la même action, c'est le pluriel. On ne dira pas l'un et l'autre sont morts, parce (pie, quoique l'état soit seinlilable, il n'est pas le même. Etre mort est un état |)0iir l'un, c\.être mortcsl un élat pour l'autre. 11 faut dire l'un et l'autre est mort; mais on dira l'un etl'autreme trompent; pjinc «pie l'un et l'autre concourent à faire une seule et même action, à me tromper. Si je veux iiidi(iuer (pie de deux choses cliacunc a des qualités qui la rendent bonne, je dirai l'une et l'autre est bonne. Mais si, considérant ces deux choses comme concourant

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ou pouvant concourir au même effet, à la même action, je jutre qu'elles ont l'une et l'autre des qualités proi)rcs à allcindrc le but ou à procurer l'effet, je dirai l'une et l'autre sont bonnes; je les réunis dans l'expression comme elles sont réu- nies dans leur concours : Lequel vie conseillez- vous d'acheter de ces deux chevaux? // n'y a pas de choix, l'un et l'autre csl bon. Quels sont les deux chevaux que je dois atteler à ma voiture pour arriver prompte ment? Attelez f^olaçe et Brillant, l'un et l'autre sont bons, c'est-à-**'*^ ont des qualités propres à concourir à mener vo- tre voiture avec célérité. Ils 7n' aperçoive ni en même temps, je prends la fuite; l'un et l'autre me poursuivent ; ils font ensemble, et de la môme manière, une action qui tend au même but, à m'atteindre. -le dirai l'un et l'autre m'a refusé, s'il s'agit d'offres dinérenles, ou de refus faits en différents temps; je dirai l'u7i et l'autre 7n'on\. refusé, s'il s'ai-'it d'une offre commune et d'un refus fait en même temps ])ar tous les deux. J'ai ru le père et la vicrc, l'un et l'autre m'OM promis leur fille en mariage ; ils m'ont fait la môme pro- messe, une promesse qui no pouvait être de quel- que valeur, si elle n'avait pas été faite par l'un et par l'autre. C'est sans doute d'après celte consi- dération que Racine a dit dans Bajazet :

L'un cl l'autre ont promis Allialide à ma foi.

(Act. I, se. I, 176.)

Et dans Mithridate :

L'un et l'autre à la reine ont-ils esc prétendre?

(Act. II, se. III, 42.)

Dans ces deux exemples, les deux sujets font en- semble la même action , tendent ensemble au même but.

Etudiez ia cour et connaissez la ville;

L'une et l'autre est toujours en modèles fertile.

(BoiL., A. P. III, 391.)

La cour a ses modèles qui lui sont propres, la ville a aussi les siens.

L'un et l'autre dès lors vécut à l'aventure.

(BoiL., sat. X. 505.)

Ils vécurent tous deux à l'aventure, mais chacun y vécut à part.

. L'un et l'autre rival, s'arrétant au passage. Se mesure des yeux, s'observe, s'envisage.

(BoiL., Lutr., i, 113.)

Ici la distinction des propositions est bien sensi- ble; chacun mesure et est mesuré, observe et est observé, envisage et est envisage; chacun fait des actions semliialiios, mais qui ne sont pas les mé- Iies, puisqu'elles ont des oitjcis (iifféients. Vollairea bien dit dans l'Orphelin de la Chine :

Votre époux avec lui termine sa carrière; L'un et l'autre bientôt voit son heure dernière.

(Act. V, se. I, 15.)

Chacun voit l'heure dernière qui lui est propre.

Mais peut-cire pourrait-on trouver quelque

irrégularité dans le vers suivant du même auteur :

L'un et l'autre à ces mots ont levé le poignard.

(.W^r.,act. Il, se. ii, 35.)

Chacun à part a levé le poignard ; il y a deux ac- tions, il fallait le singulier ; telle est la loi grain-

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maticale. Mais si l'on considère qu'un homme effrayé à la vue de deux assassins iiui lèvent le poignard sur lui, ne voit en effet qu'une seule action, l'aeiion tjui le menace, deux poignards le- vés en même temps, on conviendra "peut être que l'expression préférée par Voltaire a beaucoup plus de vérité et d'énergie.

Les grammairiens trouvent plus de difficulté encore à distinguer s'il faut mettre le verbe au singulier lorsque plusieurs sujets sont liés par ni l'un 7ii l'autre, ou par ui répété. Ce qui nous semble conlirmer les principes que nous avons établis jusqu'à présent dans cet article, c'est qu'ils servent encore a décider celle question. S'agil-il d'un clat ou d'une action (jui ne |)eut convenir- qu'à l'un de ces sujets, il faut mcltrc le singu- lier, puisque le verbe no peut convenir aux deux sujets ensemble, et que s'il convient à l'un il ne peut pas convenir à l'autre : ni l'un ni l'autre «'est mon père. 11 serait ai)surde de dire, ni l'un ni l'autre we sont mon père. C'est par la même raison qu'on dira, ni l'un ni l'autre ne sera noui- 7né à cette a7nbassade, 7ii l'un ni l'autre ne sera préféré.

S'il s'agit de deux étals ou de deux actions qui, quoique semblables, sont distingués dans chaque sujet, il faut encore le singulier, parce que le verbe se rapporte dislribulivement à cha- que sujet, et non à tous les deux ensemble : Ni l'un ni l'autre jj'est mort , ni l'u7i ni l'autre «'a fait son devoir. L'état de l'un est semblable à l'élat de l'autre, mais ce n'est pas le même; le devoir de l'un n'est pas le devoir de l'au- tre. Mais si l'on avait imposé comme devoir a deux persoi>nes de faire enscinble la même ac- tion, il faudrait mettre le |)luriel, parce qu'ayant concouru toutes deux à la même action, elles se- raient le sujet pluriel du verbe . On leur avait ordonné d'attaquer ce poste ; ils 7ie l'ont point at- taqué : ni l'un ni l'autre yi'oiit fait leur devoir; c'est-à-dire, n'ont fait le devoir commun qu'on leur avait imposé à tous deux, et qu'ils devaient faire concurremment. Dans ni la douceur ni la force 7ie rebranlèrenl, je vois deux moyens qui leiulenl au mémo but, et j'admets le pluriel. Dansnil'un niVautre 71e ini ébranlé par la force, je vois deux sujets qui éprouvent successive- ment deux effets scinbiables, mais qui ne sont pas le même effet pour l'un et pour l'autre; et, pour marquer celte dislinction, j'emploie le sin- gulier.

Dans ce cœur ni>illicureux son image est tr.icc'e La ïertu ni le temps ne l'ont point cffacce.

(YoLT., OEd , act. III, se. i, 47.)

Ici deux sujets concourent à la même action, il faut le pluriel.

En parlant de Corneille el de Racine, Boileau a dit : Ni l'un ni l'autre ne doit être mis en pa- rallèle avec Euripide et avec Stphocle. (7' Jié- flex. crit. sur Longi7i.) C'est, d'un côlé. Corneille qui ne doit point être mis en parallèle avec Euri- pide et avec So|)hoile ; el de l'autre. Racine qui ne doit point être mis en p;u'allèle avec ces deux tragiques grecs ; 71I Vun ni l'autre 71e doit être mi^ 071 parallèle; le singulier est exigé par la nature de l'idée el par la division des actions.

On a beaucoup disputé aussi pour savoirs! un ou une, suivi de de ou des, régit le verbe au plu- riel ou au singulier, el s'il faut dire U fut un de ceux qui travailla le plus efficacement à la ruine de sa patrie, ou wh de ceux qui travaillèrent, etc.

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Mais enfin on est convenu assez i-'Onoraleuienl des régies suivantes, qui sonl conliruiécspar des exem- ples lires des meilleurs écrivains.

Quand le mol un ou ujte joinl au mol de ou des exclut loule idée de iiluralilù, il doit régir le verbe au singulier: Une des inisèrcs den pcns ri- ches QSl d'être trompés en tout. (J.-J. Rousseau, Emile, liv. I, t. VI, p. 4(j.) Ici le mot une exclut toute idée de pluralité; il indiijue la uiisère dont il est ici question, comme la seule misère des gens riches qui convienne à être trompés en tout, ou plutôt cette misère est individualisée par ces mots; car le véritable sens est : être trompé en tout est une des viisères des gens riches.

Mais quand un, une, n'a rien d'exclusif, ni par lui-mémo, ni i);ir les mots qui l'accompagnent, il faut faire usage du pluriel. Ainsi il faut dire : yotre ami est un de ceux qui inaniiuèrent de périr dans la sédition, et non i)as qui manqua, parce que le mol avec les mots qui l'accom- pagnent, indique plusieurs personnes qui onli)ar- tagé le même danger ; il esl donc énumcratif, et Don exclusif. C'est ainsi que Boileau a dit : Le passage du Rhin est une des plus meimeilleu- ses actions qui aient jamais été faites ; Racine : comme ce dessein m'a fourni une des scènes qtii ont le i)lus réussi dans ma tragédie [Préface de Mithridate); Massillon : Les prospérités humai- nes o\\\. toujours été un des pièges les plus dan- gereux [Sur les vices et les vertus des grands, 1. 1, p. 6CU); "Voltaire : L'un de ces deux hom- mes de génie gui ont présidé au Dictionnaire encyclopédique, etc. {^Préface de l'Ecossaise.)

AccoRDADLE. Adj. dcs ucux genres. Il se met toujours après son subsl. Une grétce accordahlc, des plaideurs qui ne sont pas uccordabhs.

AccoRDAiLLEs. Subst. f. qui ne s'emploie qu'au pluriel : Faire des acccrdailles.

Accordant. Accordante. Adj. verbal ijui ne se dit qu'en teruies de musique. On dit des tons accordants, comme on dit des tons discordants. Il suit toujours son substantif.

Accorder. V. a. de la 1" conj. Il se dit en grammaire de l'action de mettre dans une phrase, entre les parties du discours, l'accord exigé par les règles de la granmiaire. Fai7e accorder l'ad- jectif avec son substantif, le verbe avec son su- jet. Voyez Accord.

Accorder, dans le sens de reconnaître pour vrai, régit que avec l'indicatif si la phrase est af- firmative, et avec le subjonctif si elle est néga- tive ; J'accorde que cela est ; je 71' accorde pas que cela soit.

Accordeur. Subst. m. Ou appelle accordeurs d'orgues, de clavecins, de forte-pianos, ceux (jui foal profession d'accorder ces sortes d'instru- ments.

AccoRT, AccoRTE. Adj., de l'italien accorta. Qui a dans l'esprit, dans l'humeur, qucUiue chose de gracieux ; qui annonce des dispositions franches à se rendre agréable, à complaire. L'A- cadémie le définit, qui esl complaisant, qui s'ac- commode à l'humeur des autres; celte définition donne une idée fausse de ce mol. L'Académie ne dit pas qu'il a vieilli. Voltaire regrette qu'il ne soit plus en usage dans le style noble.

AccoRTJSE. Subst. L Ce mot n'est pas onticre- menl du style familier, comme le dit l'Académie. Voltaire a dit, dans le Siècle de Louis XIF : L'accortise italienne calme la vivacité fran- çaise.

AccosTABLE. Adj. dcs deux genres, qui suit

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toujoui s son subsl ; Un homme qui n'est pns ac- costablc.

AccoccHEMENT. Subsl. m. L'ucuiucliement et Venfantement sont deux expressions <|u'il f.iul distinguer, l. 'acco«c/(f mewi coinincnd mm-scule- mcnt l'action i)récisc de mettre l'ciif.ini au monde, mais aussi tout ce ipii prépare et aninnpagnc celte action, depuis les premicres douleurs jus- (ju'à l'entière délivrance; c'est l'expression la plus ordinaire. Enfantement se dit plus rare- ment, et n'a rapport qu'à l'action précise de mcl- Ire l'enfant au monde, h' accouche mml n'est pas douloureux depuis le conunenccmenl jusqu'à la fin, mais seulemenl par inlervalles; Venfuntcment est douloureux [tendant toute sa durée; voilà pourcjuoi on dit les douleurs de l'enfantement, et non pas les douleurs de l'accouchement, quoi- qu'on puisse dire un accouchement dnuhiureuT.

AccoucHEr.. V. a. cl n. de la 1" conj. Ce verbe ne signifie pas enfanter, connue le dit l'Acadé- mie ; il com|ircnd tout ce (jui précèiie et suit l'enfantemeni, depuis les|>remiàresdonlcurs jus- (ju'à l'entière délivrance. Enfanter signifie seu- lement produire un enfant, abstraction faite de toutes les circonstances ipii, dans l'ordre de la nature, précédent cl accompagnent celle action ; accoucher comporle l'idée de ces circonstances, tn parlant de la ^ iergc, on dit <]Wclle enfantera un fils, qu'elle a enfanté un fils , pai'ce (pfellc n'a pas été sujette à toutes les circonstances (|ui précèdent et accompagnent les acconchcments naturels. On ne le dit guère au propre (pie dans ces phrases. Au figuré, on dit : Jadis la terre en- fanta des géants ; on ne dit pas qu'elle en accou- cha, parce qu'il ne s'agil (pie de la production, abstraction faite de la manière. On dil en plai- santant qu'MH auteur a enfanté un gros volume, et qu'tZ est accouché d'une épigramme. La pre- mière action est une production lente, et (|ui n'a point de rapport avec l'accouchcmcni naluirl; la seconde, (|ui suppose une action faite avec peine et douleur, cl en un inslanl assez court, a plus de rai)port à cetaccouchemcnl,

Ce verbe a donné lieu a tpieliiucs difficultés. On dil ordinairement qu'une femme est accou- chée, pour signifier l'état d'une femme (jui vient de mettre un eni'anl au monde; et (picl(|ucs grammairiens veulent qu'on le dise également de l'action de mettre un enfanl au monde, c'est-à-dire, qu'on dise cette femme est accou- chée, pour dire, celle feunne a mis un enfant au monde.

Féraud s'excuse, dans son Dictionnaire criti- que, d'avoir dit dans son Dicliomiaire grammati- cal, eZ/e a accouché. Cl ai)iie!lc cet exempli; une faute grossière. Cependant le Dictionnaire de l'A- cadémie dil que, pour manjucr l'action, on peut employer l'auxiliaire aroir. Dans l'édiliuii du Diciionuaire de l'Académie publiée en is:V6, on trouve les exemples suivants ; J'ai accouché avec de cruelles douleurs ; elle a accouché très- coura- geusement.

Le verbe accoî/c/tcr est actif ou neutre. Actif, il se dil de l'action d'un accoucheur ou d'une sage-femme qui accouche une femine, cl il iireiid l'auxiliaire avoir. C'est cette sagefcmmc quil'n accouchée. Neutre, Il se dit ou de l'action d'une femme (jui met un enfant au inunde, ou de l'état d'une femme qui a mis un enfant au monde. Dans le premier cas, il prend l'auxiliaire aroir; dans le second, l'auxiliaire être : Celle femme a ac- couche hier; cette femme est accuuchie depuis deux heures. Si l'on vient médire : Madame S...

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est accouchée, et que je désire savoir à quelle heure elle a mis son enfant au muinlc, il faudrait, selon les irrauunairiens «ini rejottcut l'auxiliaire acoir, <iue je disse, à quelle heure est-elle accou- chée'/ et l'on pourrait ine répondre, elle est ac- couchée à l'heure qu'il est, elle est accouchée de- puis qu'elle a mis un enfant au monde. Mais si je disais, à quelle heure a-t-elle accouché'} je m'expliquerais clairement; cela voudrait dire, à quelle licure a-t-elle fait l'action d'accoucher? et il faudrait me n-pondic, elle a accouché à sept heures, et non elle est accouchée à. sept heures.

Si l'on ne pouvait employer l'auxiliaire avoir avec le verbe neutre, il n'y aurait aucun moyen de distinguer l'action de l'état, et le besoin de renonciation serait sans cesse contraire par l'u- sage.

Je suppose qu'une femme ait mis un enfant au monde il y a vingt ans, et un autre enfant hier seulement, il faudra donc que je dise également en parlant de l'un et de l'autre enfantcinenl, elle est accouchée. Cependant il y a bien de la diflcrence. Tne femme qui a accouché il y a vingt ans n'est plus di'.ns l'état d'une femme accouchée, elle n'est plus une accouchée, elle n'est plus accouchée, elle a accouché. Quant à l'accouchement qui a eu lieu hier, je jmis dire, elle a accouché hier, si je n'ai en vue que 1 action; et elle est accouchée, si je ne considère que l'état. Elle a accouché heureu- sement, elle a accouché avec courage ; elle est ac- couchée, quand elle fut accouchée , quand elle fut dans l'étal d'une femme qui a mis un enfant au monde ; quand elle eut accouché, quand elle eut fini l'action d'accoucher. Voyez Auxiliaire.

AccoDRiR. V. n. et irrcg. de la 2' conj. Il se conjugue comme courir, si ce n'est qu'il prend tantôt l'auxiliaire avoir, cl tantôt l'auxiliaire être.

Celte différence entre ces deux verbes vient de. ce que courir n'exprime qu'un mouvement, qu'une action ; au lieu que dans accourir , i\\\\ signifie se mctlre en mouvement pour arriver promplement à un but, on distingue deux cho- ses : l'action do se mettre en mouvement pour courir vers un but, et l'état qui résulte de cette action faite. Dés que je l'ai entendu se plaindre, j'ai accouru à son secours; arrivé auprès de lui, je lui ai dit, je suis accouru à votre secours. Dans ce moment, j'étais accouru à son secours, -Vesl-à-dire, j'étais dans l'élal qui résulte de l'ac- ^n d'accourir au secours de quelqu'un. Voyez Auxiliaire .

AccouTiMANCE. Subsl. f. Cc mol vicillissait déjà du temps de Vaugelas; il avait ensuite repris fa- veur, au dire du père Bouhours, et tous les bons écrivains s'en servaient. 11 est encore abandonné aujourd'hui, et l'on ne s'en sert que dans le style maroliqiie. Cependant il exprime une idée qui revient souvent, et il n'y a pas de terme dans la langue (jui le remplace [larlaitcment. Coutume, habitude, ne peuvent le suppléer et n'ont pas toul à fait le même sens. Ces deux mots marquent une habitude formi'C, et accoutumance exprime les actes qui la forment. Boileau a dit dans sa tra- duction de Longin : Un esprit abattu et comme dompté par l'accoutumance au joug, n'oserait plus s'enhardir à rien. (Chap. xxxv, tom. III, [i. 414.) On lit dans la Logiijue de Port-Koyal : La capacitd de l'eprit s'étend ou se resserre par l'accoutumance. On trouve aussi cette expression ('.ans La Fontaine :

Le premier qui vit un chameau S'enfuit à cet objet nouveau ;

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Le second en approclie, un troisième sut faire

Un licou pour le dromadaire. L'accoutumance ainsi nous rend tout faroîlier.

(Liv. IV, fable 10.)

Tous les bons écrivains regrettent celle expres- sion ; il ne lient qu'a eux de la faire revivre.

AccoL'TCMEB. V. a. et n. de la 1'= conj. Dans le sens actif, il régit la préix)sitioii à :

Et l'indigne prison je suis renfermé

À la voir de plus prés m'o même accoutumd.

(lUc, Bajaz., act. Il, se. lu, 59.)

Dans le sens neutre, il signilie avoir coutume, et ne s'emploie qu'aux temps composés, a\ec l'auxi- liaire avoir, ou avec l'auxiliaire cire. Avec avoir, il régit la préposition de : Il a accoutumé de se lever matin, il a accoutumé de dîner à deux heures ; avec l'auxiliaire et, . , il régit la préposi- tion à : Il est accoutumé à st lever mutin, il est accoutumé à dîner à deux heures. Ces phrases signilienl, on l'a accoutumé ou il s'est accou- tumé. Autrefois on le disait eu ce sens des cho- ses, avec le verbe avoir : Ces arbres ont accou- tumé de donner beaucoup de fruit, l'autotnne a accoutumé d'être pluvieuse, .aujourd'hui ces expressions ne sont plus usitées. Avoir accou- tumé se dit à peine des personnes.

s'Accoutumer. \ . pron. L'Académie ne dit que accoutumer à, mais on dit aussi s'accoutumer avec. La première expression s'emploie dans un sens actif ou \)HiSi[ : S'accoutu/ncr au travail, à lu fatigue, à la peine, au froid; la seconde ne marque qu'une habitude de liaison, de commu- nication : Je ne saurais m'accoutumer avec ces çre-'/s-Zà; c'est-à-dire, je ne saurais me conformer a leur Ion, à leurs manières, à leurs procédés, etc. : Il faut s'accoutumer de bonne iicure avec ces sortes d'idées, si l'on veut se les rendre familiè- res. (Condillac.)

Accrédité, Accréditée. Part, passé du v. ac- créditer. 11 se dit prhicipalcmcnt des hommes pu- blics, qui ont une mission autorisée dune puis- sance auprès d'une autre. Mais voici des exem- ples qui prouvent qu'il s'emploie adjectivement dans un autre sens ; Est-ce donc un prodige qu'un sot riche et accrédité? (La Bruyère, des Biens de fortune, p. 281.) Les rois, tous les jours moins accrédites..., crurent n'avoir pas d'au- tre parti à prendre que de se mcttrn e?itre les mains des ecclésiastiques. (Monlesquieu.)

Accroc. Subsl. m. On ne prononce point le c final. L'Académie ne le dit que d'une déchirure faite par quelque chose qui accroche . Il y a un accroc à votre robe. Il se dit aussi de ce qui ac- croche, de ce qui déchire : J'ai passé auprès d'un accroc qui a déchiré ma robe. Ce n'est n^éine que dans cette acception qu'on dit figurément, i\\iHl est survenu un accroc « une affaire.

Accroire. V. a. de la 4* conj. Il n'csl d'usage qu'à l'infinitif et ne s'emploie qu'avec le verbe faire.

Il y a une grande différence entre faire accroire et faire croire. Ces deux expressions signifient détemiiner la croyance; mais /aire accroire, c'est la déterminer sans fondement pour une chose qui n'est pas vraie; ci faire croire, c'est simplement déterminer la croyance, avec abstraction de toute idée de fondement et de vérité. On ne peut faire accroire que ce qui est faux, ou ce que l'on croit faux; on peut faire croire également le vrai et le faux. Faire accroire ne se dit que des per- sonnes, parce (ju'il n'y a que les persounes qui

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puisseiU agir de propos délibéré, et avec inten- tion. Faire croire peut se dire des personnes et des choses, parce que les personnes et les choses peuvent également déterminer la croyance , et que cette piirase fait abstraction de toute in- tention. Les personnes /b«< accroire le fiux, les choses font croire faussement.

AccRoiTKE. V. a. et n. de la 'l' conj. 11 se con- jugue comme croître. M. de Wailly prétend que ce verbe, probablement dans le "sens neutre, prend pour auxiliaires être ou avoir. 11 prend sans doute avoir quand on veut exprimer l'ac- tion, et être quand il est question de l'état. On devrait donc dire, son bien a accru depuis six mois, et son bien est accru. Mais la prononcia- tion de a accru est si dure, qu'il est bon de - viler; aussi ce mol est-il peu usité avec cette forme. iJuanJ on l'emploie, ont met entre a et ac- cru quelque mot qui sauve l'hiatus. Son bien a considérablement accru. « L'Académie, dans sonZ>icito?iHai><?, ne cite point d'exemple de l'auxi- liaire acozr joint au verbe accmire; et il noussem- blc que l'emploi de cette locution doit cire rare, parce que le jiarliciiie de ce verbe constate pres- que toujours un résultat. Nous pensons donc qu'il est plus régulier de dire en tout cas : Son bien s'est accru depuis six mais n (.\. Lemaire, Grammaire des Gramjnaires, p. 4/3.) Voyez Auxiliaire.

AcccEiLLiK. T. a. et irrégulier de la conj. li se conjugue conuue cueillir. Voyez ce mot. Ou mouille les /.

AcccL. Sul:st. m. Le l se prononce.

AccLSABLE. Adj. des deux genres. On ne le met qu'après son subst. : Un homme accu sable ; cet homme n'est pas accusable.

AcccsATECK. Subst. m. 11 a pour féminin ac- cusatrice.

Par que! caprice Liisîez-vouô le champ libre à votre accusatrice ?

(Rac, Phèd., act. Y, se. i, 10.)

AcccsER. A', a. de la 1" conj. llacinc a dit dans Iphigénie :

L;;le était à Taotel, et peut-être en son cœui Du fatal «scriGce accusait la lenteur.

(Acl. Y, se. VI, ii.)

Delille a dit dans le môme sens :

Les dieux viennent encore accuser ma paresse.

iÉnéidc, IV, SUô.)

En Tain de ton départ Les liens impatients accusent le retard.

{Enéide, III, 601.)

Suivi d'un verbe à l'infinitif, il demande la jiré- position de : Carthageaima toujours les richesses, et Jristote l'accuse d'y être attachée jusqu'à don- ner lieu à ses citoyens de les préférer à la vertu. (Bossuet, Disc, sur l'Hist. univ., IIP part., chap. VI, p. 4S3.)

Acéphale. Adj. des deux genres. 11 ne se met qu'après son subst.

AcHARJiER. V. a. delà d"couj. : Hs sontachar- nés les ur.i; conlio les autres; être acharné con- tre quelqti'un ; être acharné au combat :

D'un peuple d'assassins les troupes etTrénées, Par devoir et par zèle au c.nrna^'e achaméej.

(^'OLT., Uenr., u, 240.)

fait oeu nour son courroux d'avoir détruit Persaruc.

ACll

Ï3

Peu de s'être acluircic i -a reste» projcriu...

(Uelilli, Énéid; Y, 1061.)

Lu vautour sur son cœur s'^chirno incsntmment.

(Dblille, Énlid», YI, 791.)

Achat. Subst. m. On ne prononce pas le /.

AcHÉnox. Subst. m. Fleuve dos enfers. Ou prononce ché comme dans chérir. A l'OiRTa on prononce ^i/irrcw. '

AcHETEn. V. a. de la 1" conj. Dans les tcuiiis de ce verbe, Vo de che est ouvert lurs<iuc la syl- labe suivante finit par le son d'un e muet : j'a- chète, lu achèles. j'achèterai; il est muet lors- que cette syllabe finit partout autre son. Nous achctvns, vous achetez. Acheter quclqvc chose de quelqu'un a seulement rapport a l'action do vendre, abstraction faite de toute autre idée. On achète tin bijou d'un juif, d'une tnarchandc à la toilette; on achète quel/ue chose d'un passant. Si une personne a acheté un objet que l'on soup- çonne avoir été volé, le juge ne lui demande |»as, « qui avez-Vius acheté cela? mais, de qui avez- vous acheté cela? c'est-à-dire, quelle est la per- sonne qui vous a vendu cela? A qui avez-vous acheté ceia? signifierait à quel marchand, à quelle personne vous éles-vous adressé pour acheter cela ?

Acheter une chose à quelqu'un : J'ai acheté ce cheval à mon frère; le cneval lui appartenait. J'ai acheté ce cheval de mon frère ; il était chargé de le vendre. J'ai acheté peur mille francs de mar- chandises à ce marchand, ou chez ce marchand. Lorsqu'on met le pronom au lieu du substantif, on ne peut pas faire cette distinction. On dit dans les deux cas, je lui ai acheté, et non pas, j'en ai acheté.

11 faut faire attention ({n'acheter quelque chose à quelqu'un signifie aussi acJwter pour quel- qu'un; Elle a acheté une poupée à sa fille, signi- (ic elle a acheté une poupée pour sa fille. Dans le dessein d'exj)rimcr l'une ou l'autre iuce, il faut s'expliquer cluiremenl, cl de manière à bannir toute équivoque.

AcHETELR. Subst. m. .\cHETEisE. Subst. f. Qui achète. Onncditguèrc acA<?/cMsc, àmoins quccc ne soit familièrement pour exprimer le défaut d'une femme qui aime à acheter souventet sans nécessité : C'est une grande achetcuse.

Achever. V. a. et n. de la 1" conj. Dans les temps de ce verbe le de che est ouvert, lorsque la syllabe suivante finit par le son d'un e muet : J'achève, tu achèves; l'achèverai; il est muel lorsque cette syllabe finit par tout autre son : nous achevons, vous achevez. Achever une en- treprise. On ne dit pas achever une affaire, mais finir, terminer une affaire.

Dans le sens neutre, achever régit de devant un verbe: Achevons de dUier. Le jeu et les dé- bauches ont achevé de le perdre.

L'Académie ne le mel point avec le pronom personnel. Cependant Racine a dit dans Iphigé- nie :

Ou plutôt leur hymen me servira de loi ;

S'il s'achève, il suffit

(Act. Il, se. I, 129.)

Achevé, Achevée. Part, passé du v. achever. Achevé, en parhint dos personnes, se ditloujours on mauvaise part : C'est un f'U achevé, un sut achevé, un scélérat achevé. {Dict. de l'Acad.) Mais en parlant des choses, il se prend toujours en bonne part : Un ouvrage aclievé, une leaute

2i

ACT

acherée. (Idem.) Dans la dernière édition de son Dictiunnaire , l'Académie répète ces exemjjles, mais elle n'établit point celte distinction.

Acier. Siibst. m. le Dictionnaire de l'.Jca- démie n'indique point l'emploi de mol au fi- tfurc. Racine a dit dans Athalie :

J'ai senti tout à coup un homicide acier, Que le traître en mon sein a plongé tout entier.

(.^cl. II, se. V, 5i.l

Je Décrois pas qu'un puisse l'employer ainsi, si ce n'est en vers ou en prose iwétique.

AcQCÉREiT.. Subst. m. Le c ne se protioncc point. Richelet met acqucreuse au fcminin. I.'A- cadémie ne le met point. Cependant ce mot est quelquefois nécessaire.

Acquérir. V. a. et irrég. de la 2' conj. Le c ne se prononce point.

Indicatif. A-esen<. J'acquiers, tu acquiers, il acquiert; nous acquérons, vous acquérez, ils cquiérent. Imparfait. J'acquérais, tu acqué- ais, il acquérait; nous acquérions, vous acqué- riez, ils acquéraient. Pai^e simple. J'acquis, tu acquis, il acquit; nous acquîmes, vous acquîtes, ils acquirent. Futur. J'acquerrai, etc.

Conditionnel. J'acquerrais, etc.; nous ac- querrions, etc.

Impératif. Acquiers, qu'il acquière ; acqué- rons, etc.

Subjonctif. Présent Que j'acquière, que tu acquières, qu'il acquière; que nous acquérions, que vous acquériez, qu'ils acquièrent. Impar- fait. Que j'acquisse, que tu acquisses, qu'il ac- quit: que nous acquissions, etc.

Participe. Présent. Acquérant. Passé. Ac- quis, acquise.

Il prend l'auxiliaire avoir dans les temps com- |K>sés.

Accjuérir une chose à. . . : Louis XIV a acquis plusieurs provinces à la France. Sa conduite lui a acquis l'estime de tout le monde. Acquérir une chose de quelqu'un: J'ai acquis cette pièce de terre de mon voisin.

* On n'acquiert que des choses avantageuses, comme des richesses, de la gloire, de la réputa- tion. Ainsi on ne dit pas, acquérir une mauvaise réputation, ni acquérir une maladie.

Acquis. Subst. m. Le c ne se prononce point. Voltaire a employé ce mot pour signifier l'in- fluence que l'on a dans le monde par suite de .'«i place, de son pouvoir, de son crédit, de ses ri- chesses, de ses alliances, de sa réputation, etc.: Il est vrai que cette justificatiiii aurait plus de poids si elle était faite d'une main plus impor- tante et plus respectée; mais plus on a d'aiCi\\i\?, dans le monde, moins on sait défendre ses amis. (Corresp ) Je crois que cette expression peut être utile I.lle est maintenant admise par l'Académie (art. Acquitter.)

Acre. Adj. des deux genres. 11 ne se met qu'a- près son subst. : Une bile acre, une humeur acre.

Acteur. Subst. m. En parlant d'une femme, on dit actrice.

Actif, Active. Adj. Un mot est actif qn^nà il exprime une action. Actif est opposé à passif. L'agent fait l'action, le patient la reçoit. Le feu brûle, le bois est brijlé; ainsi hrûle est un terme actif, brûlé est passif.

Il y a des verbes actifs et des verbes passifs. Les verbes actifs marquent que le sujet de la proposition fait V^xclion, j'enseigne; le verbe pas- sif, au contraire, marque (pic le sujet de la pro- posiliou reçoit l'action, qu'il est le terific ou l'ob-

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jet de l'action d'un autre, ^e suis enseigné, etc.

On dit que les verbes ont une voix active et une voix passive; c'est-à-dire, qu'ils ont une suite de terminaisons qui expriiiieiil un sens ac- tif et une autre suite de désinences qui marquent un sens passif. En français, les verl)es n'ont que la voix active; et ce n'est (|ue p;ir une csi)èce de périphrase, et non par une terminaison propre, que nous exprimons le sens passif, je suis aimé, je suis aimée.

Au lieu de dire voix active ou voix passive, on dit à l'actif, au passif; et alors actif Qi pas- sif ^C prennent substaniiveiiiont, ou bien onsous- enlend sens. Tout verbe passif a nécessairement un verbe actif; il faut excepter cieïr. On dit : Je veuj; être déi, quoique l'on ne dise pas, j'obéi: quelqu'un. La nature a fait les enfants pour être aimés et secourus ; mais les a-t-elle faits pour être obéis et craints? (J.-J. Rouss., Emile, liv. II, tom. VI, p. 403.) Tout verbe actif a son verbe passif. Avoir fait exception. On ne dit pas en parlant de quelqu'un ou de quelque chose : Il est eu, ou elle est eue. {Grammaire des Gram- maires, p. 450.)

Tous les vcrl>es qui expriment une action ne sont pas appelés pour cela actifs. Il faut, pour qu'on leur donne ce nom, que l'effet de l'action ait lieu hors du sujet. Par exemple, battre est un verbe actif, parce que l'effet de l'action a lieu hors du sujet; mais oZicr, venir, dormir, quoi- qu'ils expriment des actions, ne sont point des verbes actifs, mais des verbes neutres. Quelques grammairiens appellent les premiers, verbesactifs transitifs, parce que l'effet de l'action passe du sujet à un objet ; et les seconds, verbes actifs in- transitifs, parce que ce passage n'a pas lieu. Voyez Uerbe.

Le mot actif ne se dit pas que des verbes. Il y a aussi le sens actif cl le sens passif , le tour ac- tif cl le ttur passif

Un mot est employé dans un sens ac/j/ quand le sujet au(]uel il se rapporte est envisagé comme le principe de l'action énoncée par ce mot ; il est employé dans le sens passif, quand le sujet au- quel il a rapport est considéré comme le terme de l'impression produit* par l'action que ce mol énonce. Les mots aide et secours sont pris dans un sens actif, quand on dit mon aide ou mon se- cours vous est inutile; car c'est comme si l'on disait, l'aide ou le secours qu£Jc vcus d nnerais vents est inutile. Mais ces méiiics mots sont pris dans un sons passif si l'on dit, accoures d mon aide, venez à mon secours; car alors ces mots marquent l'aide ou le secours qu'on me donnera, dont je suis le terme, et non jxis le principe. Cet enfant se gâte, pour dire qu'il tache ses hardes, est une phrase les deux mots se gâte ont le sens actif, parce que l'enfant auquel ils se rap- portent est envisage comme principe de l'action de gâter. Cette rbe se gâte est une autre phrase les deux mêmes mots ont le sens passif, parce que la robe à latiuclie ils ont rapport est considé- rée comme le terme de l'impression produite par l'action de gâter. (Dumarsais et Bcauzée.)

Activement. Adv. 11 se dit, en grammaire, d'un verbe neutre qui est pris dans une signification active, ou de quelque autre mot qui est pris dans un sens actif. Voyez Actif.

* Activer. V. a. de la i"conj. Mot nouveau que l'usage a adopté, malgré les efforts de ceux qui repoussent aveuglémenl tout ce qui est nou- veau, raisonnable ou non.

Actuel, Actuelle. Adj. En prose, il se mel

ADJ

toujours après son subst. Etat actuel, paiement actuel.

Actuellement. Adv. 11 ne se met qu'après le verbe. On juge actuellement son prvccs ; il de- meure actuellement en tel endroit.

Addition. Subst. f. On fait sentir les deux d.

Additionnel, Additionnelle. Ad j. On fait sen- tir les deux d. Cet adj. ne se met qu'apics son subst. Centimes additionnels.

Additionner. V. a. de la 1'" conj. On fait sen- tir les deux d.

Adhérent , .adhérente. Adj. qui ne se met qu'après son subst. ïl régit la prcj^sition à. Une pierre adhérente à la vessie.

Adjacent, Adjacente. Adj. 11 suit toujours son subst. Pays adjacent, lieux adjacents.

Adjectif. Adj. m. qui se prend aussi substan- tivement. Terme de grammaire. Les noms ou substantifs expriment des êtres réels ou des êtres abstraits, et les représentent comme soutiens de certaines qualités réunies. Ainsi, quand je pro- nonce un nom, je désigne tout à la fois à ceux qui mécoulent, et la réunion de ces qualités, et l'être quelconque qui lui sert de soutien. Quand je prononce le mot 7ja77i7«e, j'indique par ce nom une substance, un soutien de certaines qualités dont la réunion a donné occasion à la création de ce nom. Mais si je veux développer cette idée, exprimer une ou plusieurs des qualités de l'être désigné par ce nom et indiquer que je le conçois possédant cette qualité ou ces qualités, j'ai be- soin de mots qui expriment ces qualités, et qui les fassent connaître comme jointes à cet être. Par exemple, si je veux parler d'un homme, et indi- quer en même temps que je le conçois arec la qualité que l'on nomme vertu, il faudra que j'em- ploie un mot qui indique cette qualité comme réunie au substantif homme ; ce sera le mot ver- tueux, qui seul ne désigne qu'une idée vague et indéterminée, et qui, joint à ce substantif, ajou- tera à l'idée qu'il présente celle de toutes les qua- lités comprises dans le mot vertu : Homme ver- tueux. On dira de même, figure ronde, rose blan- che, etc.

Si nous considérons les noms communs comme pouvant exprimer des genres, des espèces ou des individus, nous remarquerons qu'ils peuvent être déterminés ou indéterminés. Vn nom est indé- terminé lorsque, ne voulant ni le faire considé- rer comme genre, ni le restreindre à une espèce ou à un individu, on ne détermine rien sur l'é- tendue de sa signification. Un mot est déterminé lorsqu'il est employé pour désigner un genre, une espèce ou un individu. Quand je dis une ac- tion d'homme, je prends le nom homme indéter- minément; car alors je ne veux parler ni de tous les hommes en général, ni de telle classe d'hom- mes, ni de tel homme en particulier. Mais si je prends ce nom commun dans toute son étendue, ou que je le restreigne à une classe subordonnée, ou que je n'y attache qu'une idée individuelle, j'ai besoin, pour exprimer ces différentes vues de mon esprit, de nouveaux mots que j'ajouterai au substantif Âoffime, pour déterminer l'étendue dans laquelle je le considère. Par exemple, quand je dis, l'homme est un animal raisonnahle , le mot le indique que je vais prendre ce nom dans une étendue déterminée. Quand je dis, tout homme, le mot tout indique que je considère distributi- vement les individus compris dans la classe indi- quée par le mot homme. Enfin, quand je dis, tous les hommes, j'indique par les mots tous les, que

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je considère collectivement ces mêmes individu?. De même si je dis, mon père, le mut mon res- treint l'idée générale de père, aj point de la ren- dre individuelle, c'esi-à-dirc, de ne l'applitiuor qu'au seul individu qui m'a donné la vie. Cha- que, plusieurs, un, deux, tr ii, premier, second, servent de même à déterminer l'rtcnJue de la si- gnification des substantifs auxquels on ks joint.

Un mot ([ue l'on ajouta ainsi aux noms pour les modifier, soit en expliquant queliju'uno des qualiiésde l'objet (|u'ils désignent, soit en déter- minant le degré d'étendue souslcquid on les con- çoit, se_ nomme adjectif, d'un mot la'.in qui veut dire ajuter; et en effet, ces mots sont ajoutés aux substantifs pour les modifier d'une ou d'au- tre manière. Je disM?i inot, car ce n'est pas seu- lement par les adjectifs que l'on modifie les noms; on se sert aussi pour cela, ou d'une proposition incidente, comme dans un homme que l'ambition dévore; OU d'un autre nom qui est le terme de linéique rapport, comme quand on dit, le livre de Pierre, la loi de Moïse, etc. Quelques gram- mairiens mettent les adjectifs au nombre des noms, et les appellent novis adjectifs, pour les distinguer des subslanlifs, qu'ils appellent noms subitantifs. 11 paraît plus exact d'appeler sim- plement noms, ou substantifs, ce qu'ils appellent noms substantifs , et simplement adjectifs ce qu'ils appellent noms adjectifs. Mais ces déno- minations sont indifférentes, pourvu que l'on comprenne bien les choses.

Si les idées des qualités (jue nous remarquons dans les objets nous sont venues immédiatement par les sens, nous appelons adjectifs physiques les mots qui servent à les indiquer connue jointes à ces objets ; et nous donnons le nom d'adjec- tifs métaphysii/ucs aux mots qui modifient les noms par 1 addition de quelque considération particulière de notre esprit à leur égard. Ainsi, co- loré, blanc, noir, rouge, bleu, etc., qui exprnnent des qualités dont nous ac(iuérons la connaissance par la vue ; doux, amer, ai^re, fade, etc., qui en exi)riment que nous connaissons par le goût ;ru(/c, p li, dur, mou, q\x\ en indi(]uent que nous con- naissons par le tact, sont des adjectifs physiques. Au contraire, le, la les, mon, ma, t> n, ta, votre, VIS, deux, trois , premier, second, grand, petit, différent, pareil, el un très-grand nombre d'au- tres qui n'expriment que des considérations de noire esprit, sont des adjectifs métaphysiques.

Parmi les adjectifs métaphysiques, il y en a qui ne se mettent jamais que devant les noms; tels sont le, la, les, que les grammairiens appel- lent aussi articles, et adjectifs délerminalifs ; ce, cet, celle, ces, que l'on :q>iielle adjectifs domon- slratifs,ci que les anciens grammairiens appellent pronoms démonstratifs : mon, ma, ?iios, ton, ta, tes, son, sa, ses, notre, nos, votre, vos, leur, leurs, auxquels on a donné le nom d'adjectifs posses- sifs, au lieu de celui de projioms p sses^^ifs, que leur avaient donné les anciens grammairiens. Voyez article. Pronom. Tousi-es adjectifs pren- nent en cénéral le nom d'adjectifs prépositifs, ou seulement de prépositifs, parce (|u'ilsnc?e mènent jamais que devant les noms 11 y en a d'autres qui ne se mettent qu'après les noms. Nous allons parler des uns et des autres.

Des adjectifs prépositifs le, la, \es,nommés au- trement articles. Les adjectifs prépositifs le, la, les, ne signifient rien de physique ; ils sont idenlifiés avec les noms devant lesquels on les place, et annoncent que le mol qu'ils précédent sera pris sous un point de vue particulier.

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Nous nous scn-ons de le devant les noms mas- culins au singulier : le roi, le j'vr; <lc la, de- vant les noms fcminins au singulier : la reine, la femme ; et la lettre s, qui, scîun l'anaioeie de la langue, marque le pluriel quand elle est ajoutée au sinçidier, a formé les du sin;.'ulier le. Les sert égaleuïent pour les deux genres : les hummcs, les femmes.

Le, la, les, sont des prépositifs ou articles sim- ples; mais ils entrent aussi en comjwsilion avec la préposition à et avec la préposition de ; et alors ils forment les quatre prépusilifs ou articles com- posés, ati, aux, dti, des. Au est composé de la proposition à, et de l'article /e;en sorte que au est aillant qtio à le. C'est le son obscur de Ye muet de l'iiriicle simple le, et le changement assez commun en notre langue de Z en u, comme mal, maux, citerai, chevaux, qui ont fait dire au, au lieu de « le, ou de al, que l'on disait aulrefuis. Ce n'est que quand les noms masculins com- mencent par une consonne ou un h as|)iré que l'on se sert de au au lieu de à le ; car si le nom masculin commence par une voyelle, alors on ne fait point de contraction ; la préposition à el l'ar- ticle le demeurent chacun en leur entier. Ainsi, quoiqu'on dise, le cœur, au cœur; le père, au père; le plomb, au plomb, on dit l'esprit, à l'es- prit; l'eu faut, fi l'enfant ; l'or, à l'or; l'argent, à l'argent. Quand le substantif commence jiar une voyelle, l'e muet de le solide avec celle voyelle ; ainsi la raison qui a donne lieu 6 la con- traction au ne subsiste plus. D'ailleurs il se fe- rait un bâillement désagréable si Ton disait, au esprit, au argent, au enfant, elc. Si le nom est féminm, comme il n'y a point à'c muet dans le prépositif Za, on ne peut plus en faire au; ainsi l'on conserve alors la proposition et le prépositif, la raison, à la raison ; la vertu, à la vertu. Aux sert au phiriel pour les deux genres ; c'est une contraction pour à les : Aux hommes, aux fem- mes, aux rois, aux reines, pour à les hommes, à les femmes, etc. Du est encore une contraction pour de le. C'est le son obscur des deu>: e muets de suite qui a amené la conlraction du. On a com- mencé par dire dcl, et cnGn on a dit du. On dit donc du bien, du mal, pour de le bien, de le mal; et il en est de même de tous les noms (jui com- mencent par une consonne; car si le nom com- mence par une voyelle, ou qu'il soit du genre féminin, alors on revient à la simplicité de la pré- position ; ainsi l'on dit de l'esprit, de la vertu, de la peine, elc.

iSarticlc, dit le Dictii.nnaire de l'Acudcmie, est celle des parties du diseurs qui précède or- dinairement les noms substantifs . D'ajjrès celte définition, ce, cet, tout, quelque, nul, aucun, deux, trois, mon, ton, son, sa, ses, leur, etc., se- raient des articles ; el cependant l'Académie nous dit ensuite que Ze est l'arlicle du nom masculin; la, l'article du nom féminin, et les l'article plu- riel du masculin et du féminin. Mais quelle est la nature de l'article? qu'ajoutc-l-il aux noms aux- quels il est ordinairement joint? C'est ce que l'A- cadémie ne dit point.

L'article peut précéder tous les mois de la lan- gue française qui sont substantifs ou pris subslan- tivcmcnt. On dit le boire, la manger, les si, les mais. Le (\\iG qui corn mence celte phrase fait un mauvais effet; les deux qui rendent la phrase louche. L'article s'ajoute même(|uelqueluisà une phrase entière, comme quand on dit, le qu'en dira-t-on ne m'effraie pas; être au-dessus du qu'en dira-t-on.

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Ces exemples font voir que les grammairiens qui ont dit que l'article est une particule ajou- tée à un mot piur marquer de quel genre il est [Dictionnaires de Féraud, Jiegnicr, ftestaud), n'ont pas mieux réussi; car si, niai.-,, que, qui, etc., n'ayant point de genre, l'article i;e peutélre ajuulé à ces mots pour marquer de quel genre ils sont; il faut donc que cette addition soit" faite pour indiquer quelque autre chose.

Si je consulte les nouveaux grammairiens sur la nature de l'article, je n'obtiens guère plus de lumières. Id on me dit que les articles sont des adjectifs qui modifient leurs substantifs, et les fnt prendre dans une acception partieulière, in- diciduelle et personnelle [Dumarsais] ; la on m'en- J seigne que l'article est un adjectif qui détermine l un nom à cire pris dans trute s^n étendue, ou qui \ concourt à la restreiiulre (C/jndillac). Sur la pre- j mière définition j'observe qu'elle ne convient pas plus à l'article qu'aux adjectifs ce, cette, ces, no- 1 tre, votre, vos, un, etc. Quand je dis un homme, le mut un modifie lesubstanlil h^mme, et le fait prendre dans une acception particulière, indivi- duelle et |>ersonnelle. Sur la seconde délinition je dis, d", qu'elle supjiose que l'article ne se met que devant les noms communs; et l'on vient de voir qu'il se joint à toutes sortes de mots, et même à des phrases entières. Quand on dit, le qu'en dira- t-on ne l'inquiète guère, l'article ([ui est en tête de cette phrase ne sert assurément ni à faire prendre un nom daiistoule son étendue, ni à con- courir à la restreindre.

En second lieu, il n'est pas exact de dire que l'article mis devant un nom commun détermine ce nom à cire pris dans toute son étendue ou con- court à Lt reslreiiulre. Si je dis l'htrmme, et que je n'achève pas la phrase, il est impossible de de- viner si le mot homme sera pris dans to«le son étendue, ou dans une étendue restreinte. Donc l'article/e n'indi(iueni l'une nirautre. Apn'savoir dit l'homme, je puis ajouter est un animal rai- sonnable, ou, vertueux, jouit de la paix du cœjir, ou, dont vous m'avez parlé; dans la première phrase, le mot homme sera pris dans toute son étendue; dans la seconde, dans une étendue res- treinte à une certaine classe d'hommes; el dans la troisième, restreinte à un individu. Mais cette différence d'étendue n'est inditiuce dans la pre- iiiière que parce que je n'ai ajouté au mot hoimue aucun autre moi ipii restreigne l'étendue de sa signilication, ei. d?iA<: Ws d»vix aM^»"v<; par<?e qwe j'ai ajouté des mots qui n-streignent celte signili- cation. L'arlicle le ne détermine donc par lui- même aucune des trois espèces d'étendues du mot hoînme, puisque seul il ne sert point à les faire connaître, et qu'il se joint également au nom, quelle que soil l'étendue de sa signification. Dans ces trois cas, l'article se prête aux trois sens, an- nonce que le nom sera pris dans l'un ou dans l'autre, mais n'en détermine aucun.

L'article est un mot qui, mis devant un autre mot, annoncequece dernier, susceptible de diver- ses acceptions grammaticales, est considéré dans la phrase comule un substantif dont la significa- tion peut avoir divers degrés d'étendue, et que cette étendue y est déterininée, soil par des c'ir- constanccs connues, soit par le mol même sans naodification, soit par des modifications qui la restreignent.

Le nïot 7î<epeut être pris matériellement comme dans, que est composé de trois lettres, que est une conjonction. Dans ces deux propositions, que, considéré comme substantif puisqu'il est le sujet.

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indique un signe individuel, et rentre en qiicliiue sorte dans la classe des noms propres; ce qui iail qu'il n'('>l pas nécessaire de le faire précéder de l'article. On dit, que est inie conjonction, comme on dit Pierre est un homme.

Mais si, considérant toujours qvc comme l- nom propre d'un signe grammatical, je regarde ce si- gne comme pouvant être répété, et par consé- quent prononcé, employé, placé difrércmment, selon des circonstances dilïcrenles, el que je veuille inditiucr un ou plusieurs de ces que rela- tivcnent à l'une ou à l'autre de ces circonstances, il faudra que je le fasse précéder de l'article, \v ur marquer (jue je regarde ce mot conune poui jnt avoir divers degrés d'étendue; 2" pour annc iccr que celle étendue sera déterminée dans la ph MSC. Ainsi je dirai, les deux que., le que rend la p\ rase louche, etc. ; comme je dirais les deux Piet'cs, dans une famille il y aurait deux boni: nés de ce nom ; ou le Pierre qvc vous m'avez envojé n'est pas celui dont j'avais besoin.

Lt mol vrai peut être pris adjectivement : une noutelle vraie, un homme vrai; ou adverbiale- ment : parler vrai; ou substantivement : le vrai. Quand je le prends dans ce dernier sens, je le fais précéder de l'article, pour annoncer qu'il est con- sidéré dans la phrase comme un substantif dont la signiflcation peut avoir divers degrés d'éten- due, cl que cette étendue y est déterminée, soit par des circonstances connues : voilà le vrai; soit par le mol mc-mo sans modification : le vrai est aimable; soit par des modilications (jui en res- treignent l'étendue : le vrai, daris la bouche d'un mÊnteur, n'obtient pas toujours croyance.

Alexandre est un nom propre bien déterminé, quand on parle du roi de Macédoine qui portail ce uoin, ou, dans une l'aniille ou une société, d'un homme que ceux à qui l'on parle appellent ordi- nairement ainsi. Je dirai donc sans article , Alexandre est un grand conquérant ; Alexandre m'a dit que vous vouliez me parler. Mais si, ti- rant ce mot de cette signification individuelle, je veux le rendre commun à plusieurs individus, el ne parler que d'un ou de quel(}ues-uus d'entre eux, il est nécessaire alors que je mette l'article devant ce mot, pour indiquer cette double vue de mon esprit. Je dirai donc, l' Alexandre dont vous me parlez n'est pas celui que je connais. On ap- pelait Charles XIII' Alexandre du Nord.

la dctlnilion (jue nous avons donnée de l'ar- ticle peut s'expliquer aussi par l'emploi de ce pré- positif devant les noms que les grammairiens appellent co/rt7«M?is ou appellatifs. Le mot homme, par exemple , peut cire pris matériellement : hoinme finit par unGmuet, ou comme signe in- dividuel grammatical : homme est u?i substantif; ou adjectivement : vous n'êtes pas }io7n»ie ; ou ad- verbialement : ar/ir en homme; ou enfln substanti- vement : un hovniic. Mais le mot homme pris sub- stantivement peut être pris ou dans un sens déierminé, comme dans un lumime, tout homme, cet himiinc, quelque homme, mon homme, leur homme ; ou présenté seulement comme suscep- tible de divers degrés d'étendue, et comme de- vant être déterminé dans la phrase. C'est dans ce dernier cas seulement, et pour indiquer celle double vue de l'esprit, que le mot homme doit être précédé de l'article. Quand je dis l'homme, l'article annonce un substantif de cette nature, et je suspends mon jugement sur l'étendue de la si- gnlGcation de ce niot, jusqu'à ce que la suite m'ait appris si elle est ou non restreinte par quel- que modificatif. Si le mot homme n'a point de

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miKlificalif, je comprends (ju'il est pris dans toute sou étendue : l'homme est un animal. S'il a un modilicatif, comme dans {'homme vortueuj:, je vois que l'étendue de sa siirnilicalion est res- trcinle à une certaine classe d'hommes, c'est-n- dire, à ceux qui sont vertueux. Si cnBn on dit, l'homme qui vous parle, je juçe qui' la siirnilica- tion de ce mot est restreinte a'un s-'ul individu. Quelquefois l'étendue de la signification du nom est reslrcinte par les circonstances, cl alors le nom sans modilicatif est entendu avec la res- triction qu'indiquent ces circonstances, .\insi quand on dit, étant à table, donncz-^noi le pain, avancez-vici la salière, ou dans un état monar- chique, le roi a dit, les circonstances font assez comiH'cndre (pi'il est (piestion du pain, ou delà salière qui est sur la table, du roi qui régne dans ce pays.

Cette propriété de l'article de désigner l'accep- tion grammaticale d'un mol, cl d'annoncer l'éten- due de sa signification, tient au caractère de la langue française, (]ui, exigeant partout la plus grande clarté, veut ipie les princii)ales parties du discours soient rapprochées el liées autant qu'il est possible, et que les mots qui en sont les si- gnes soient déterminés par eux-mêmes, ou précé- dés d'autres mots qui les déterminent, ou qui an- noncent du moins sous quel point de vue ils vont être déterminés.

Puisque l'article sert à indiquer qu'un mol est considéré comme un substantif dont la significa- tion est susceptible de divers degrés d'étendue, et que cette étendue sera déterminée dans la phrase, il est inutile d'ajouter l'article à un nom précédé d'un mol qui détermine déjà cette éten- due. Ainsi je ne mettrai point d'article à homme, lorsipi'il sera précédé des mots un , deux , trois, etc., parce que ces mots déterminent l'é- tendue de sa signification ; el par la même raison, je n'en mettrai point aux noms qui seront précè- de^ des prépositifs ce, cet, cette, ces ; mon, ton, son; votre, notre, quelque, nul, aucun, tnit dans le sens de chaque, etc. ijuand je dis toute la ville en parle, toute la honte rcto?nbcra sur vous, je dois mettre l'article, parce qu'il ne s'agit point de toute ville, ni de toute honte, ce qii'indi(iuerail le mot /oM/f" sans article, mais d'une ville particu- lière, d'une honte particulière, déterminées par lescirconstanccs. De même on dit tous les hommes avec l'article, parce que le nom pluriel hommes indique une classe (findividus qui peut être prise dans toute son étendue, ou seulement dans une partie de son étendue, ce qui n'est pas déterminé par le mol tous, et doit par conséquent être an- noncé j)ar l'arliclc les.

L'article et les autres prépositifs ne sont pas le> seuls mots qui déterminent un nom commun à être pris substantivement; le verbe actif et [ilu- sieurs prépositions font le même effet à l'égard de leur compiément immédiat, lorsque ce complé- ment est pris dans un sens général et indétermi- né, et que par conséquent il n'exige point l'article, qui annonce toujours un sens déicnniné. Par exemple, dans avoir peur, le verbe otva'r indique assez quele molpei/r est pris substantivement; mais ce mot étant pris dans un sons général et in- déterminé, ne doit point être précédé de l'article, qui annoncerait une sicnification susceptible de divers degrés d'étendue, el une détermination de cette étendue. Si au contraire cette étendue de- vait être df'ierminée, l'article serait nécessaire pour annoncer cette détermination ; ainsi l'on di-

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rail, par exemple, il avait la peur qu'inxp ire une mauvaise conscience.

Il arrive souvcnl en français (|ne les substantifs sont pris ainsi, après certains verbes, dans un sens général et indéterminé. C'est ainsi que l'on dit :

Avoir /ai7/j, soif, dessein, liante, coutume, pi- tié, compassion, froid, chaud, patience, envie, besoin, etc.

Donner envie, occasion, prise, place, rang, séance, leçon, avis, caution, quittance, atteinte, cours, permission, congé, assurance, croyance, parole, ordre, conseil, avis, exemple, audien- ce, etc.

Entendre raison, raillerie, malice, vêpres, etc.

Yaire profession, métier, tort, préjudice, don, offre, défense, grâce, vendange, chemin, accueil, honneur, peur, plaisir, choix, provision, sém- illant, route, banqueroute, faillite, front, face, difficulté, etc.

Gagner pays, chemin.

Mettre fin, ordre.

Parler français, allemand, raison, bon sens, etc.

Porter bateau, chape, envie, témoignage, bon- heur, malheur, clc,

Prendre parti, femme, possession, médecine, congé, pied, part, haleine, feu, plaisir, patience, pitié, langue, garde, prétexte, occasion, date, acte, avantage, faveur, fin,juur, leçon, etc.

Rendre service, amour paiir amour, visite, gorge, etc.

Savoir lire, chanter, vivre, etc.

Ttmt parole , etc.

Remarquons en passant que, quoi qu'en disent plusieurs grammairiens, l'article n'est pas tou- jours nécessaire pour changer en substantif un mot qui ne l'est pas par lui-même, et que le verbe actif fait le même effet à l'égard d'un adjectif ou d'un verbe qui est son complément immédiat. Daps avoir chaud, avoir froid, le verbe avoir in- dique, sans le secours de l'article, que les ad- jectifs chaud et /roirfsont pris substantivement; et dans savoir lire, savoir chanter, savoir vivre, le verbe savoir indique la même chose à l'égard des infinitifs lire, chanter, vivre.

Ce que nous venons de dire des verbes actifs peut